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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 octobre 1855.

Les hommes de ce siècle, qui est arrivé à la moitié de son cours, auront assisté à de grands et saisissans spectacles. Un illustre historien, dont le nom et la personnalité y tiendront une place considérable, achève, dans toute la maturité d’un talent qui s’élève avec la solennité de sa tâche, le monument qu’il a entrepris de consacrer au drame héroïque de ses quinze premières années. Il n’a pas encore abordé dans son livre le récit des événemens qui, après l’invasion de la Russie par les armes françaises, ont amené par une fatale réaction le développement démesuré de la puissance de cet empire, et déjà il applaudit au succès de l’immense effort qu’il a fallu faire, après tant d’années de modération méconnue, pour refouler une ambition qui, appuyée sur de prodigieuses ressources accumulées de longue main, croyait enfin toucher à son but. L’accroissement des États-Unis en population, en richesse, en étendue territoriale, en importance politique et commerciale dans le monde, n’est pas moins remarquable que celui de la Russie. On les a souvent comparés malgré la différence des institutions, l’opposition des caractères nationaux, la dissemblance des principes d’action, des procédés de gouvernement et des moyens d’influence. On voyait des deux côtés la même activité inquiète, la même absence de scrupules, les mêmes aspirations ambitieuses vers un avenir sans bornes, la même prétention de se faire dans le système général une sphère à part où La prépotence de l’un et de l’autre pays s’exercerait librement, sans que personne ait à lui en demander compte. Aussi s’est-il établi entre Washington et Saint-Pétersbourg une espèce de connivence plus ou moins préméditée, peut-être moins raisonnée qu’instinctive, et qui a certainement plus d’un motif dont le poids se fait sentir dans la balance des intérêts généraux.

Cette disposition de l’esprit public dans l’Amérique du Nord à ne pas désirer le succès de l’alliance anglo-française contre la Russie s’est révélée