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percevons la lumière étant d’une grande perfection et d’une grande sensibilité, nous avons pu recueillir beaucoup plus de notions sur les effets de la lumière que nous n’avons pu le faire avec d’autres sens moins parfaits, comme le goût et l’odorat, qui ne nous ont permis d’acquérir que des notions bien imparfaites sur les odeurs et les saveurs. Il suffit de considérer un chien de chasse couché et le nez au vent pour se convaincre que l’animal reçoit une foule de sensations qui nous sont insaisissables, et si l’on tient sur le vent qui lui arrive une pièce de gibier qu’on lui cache, il arrive en quelque sorte les yeux fermés pour en prendre connaissance.

Passons àl’ illumination et à l’établissement des phares.

L’usage d’allumer des feux pour indiquer aux navigateurs les points accessibles des côtes remonte à la plus haute antiquité. Au retour de la flotte des Grecs du siège de Troie, Nauplius, qui avait à exercer une vengeance sur plusieurs des chefs qui avaient condamné à mort son fils Palamède, alluma des feux perfides sur la côte où ils devaient aborder et leur fit faire naufrage. La côte basse de l’Egypte, dans le voisinage de la ville d’Alexandrie, était signalée par un feu établi sur une tour élevée dans l’île de Pharos, qui depuis a été réunie au continent par les attérissements du Nil. C’est cette flamme qui, dans la Pharsale de Lucain, annonce la terre d’Egypte à César poursuivant Pompée.

Ostendit Phariis Ægyptia littora flammis.

Cette tour du Phare et son feu ont donné leur nom aux phares actuels qui, jusqu’à Fresnel, n’ont eu d’autres fanaux que des masses de charbons allumés, retenus dans des grillages de fer qui soutenaient le combustible sans en intercepter l’éclat. Rien de pittoresque comme ces feux de charbon qui bravent le vent, la brume et la tempête, mais dont l’éclat est impuissant pour porter au loin leurs avertissemens salutaires. Des lampes munies de réflecteurs paraboliques furent quelquefois substituées aux feux de charbon. Enfin l’administration française eut recours à la science optique. Arago et Fresnel furent chargés d’élaborer un projet de phares dont la puissance répondit à la dignité de la science comme aux besoins de la navigation. Fresnel quitta les spéculations théoriques qui l’ont immortalisé pour cette tâche moins brillante. Les phares qui portent aujourd’hui son nom, comme celui de la France, sont le résultat d’un travail persévérant guidé par une connaissance approfondie des propriétés de la lumière. Une immense lampe formée de quatre mèches qui s’enveloppent l’une l’autre fut établie sur un support, et l’huile soulevée par un mécanisme ingénieux entretint d’une manière fixe la flamme de ce puissant illuminateur.

Mais les rayons de cette flamme se répandaient de tous côtés, ils