Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/669

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a fait supplanter (nous les inventeurs de la chimie !) pour les préparations médicales sur les marchés de la Russie, de l’Inde et de l’Asie centrale par les Allemands et les Anglais. Laissez libre le prix de vente, d’accord : mais la qualité et la quantité annoncées sont dues, puisqu’elles ont été indiquées : la constatation doit être possible ici de fait comme de droit, et de plus l’intérêt général de la société lui impose l’obligation de ne point rester étrangère à ces vérifications de probité.

Nous voilà un peu loin des progrès de l’art de produire de la lumière. Cette digression correspondra, si l’on veut, à la longue série de siècles où cet art fut stationnaire. Jusqu’à la fin du siècle dernier, il n’y eut de brillante illumination que celle des lustres à grand nombre de bougies, laquelle dans les appartemens de Versailles revenait à des sommes immenses. Les bougies à moitié brûlées constituaient seules un revenu considérable de la charge d’où ressortissait l’éclairage royal. Les flambeaux à deux et à cinq bougies étaient d’un usage universel. Tous ces éclairages de luxe n’étaient guère efficaces. Les bourgeois, réduits à la bougie et souvent à la chandelle, méprisaient l’huile et les ignobles lampes où brûlait ce combustible avec une odeur repoussante, lorsque la lampe à courant d’air avec une mèche ronde et creuse et une cheminée en verre vint donner à la lumière de l’huile une supériorité qu’elle n’a point perdue depuis. L’inventeur de cette lampe était Argand, et la date de l’invention est vers 1800. Un peu plus tard, un certain M. Quinquet s’empara de la lampe d’Argand, et lui donna momentanément son nom. Il fut l’Améric Vespuce du Christophe Colomb de l’éclairage. Les soins assidus de nettoyage, nécessaires aux lampes d’Argand, furent sur le point d’en compromettre l’adoption : mais l’admirable éclat de leur flamme triompha de tout, et lorsqu’ensuite Carcel. par un mécanisme d’horlogerie, eut régularisé l’arrosage de la mèche, la perfection fut atteinte. Je serais injuste de ne pas mentionner la lampe dite à modérateur, inventée par Franchot, qui produit plus simplement un effet à peu près égal à celui que produit le mécanisme de Carcel : mais ne nous noyons pas dans les détails. Une mèche ronde et creuse, arrosée continuellement d’huile en circulation avec une cheminée en verre produisant un rapide courant d’air et une vive combustion, voilà la lampe moderne qui consacrera à jamais le nom de l’inventeur Argand.

Lucrèce nous peint en vers pompeux les statues dorées qui portent dans leur main droite des lampes ardentes qui fournissent lumières pour les festins nocturnes :


.... Aurea sunt juvenum simulachra per ædes
Lampadas igniferas manibus retinentia dextris,
Lumina nocturnis epulis ut suppeditentur.