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pétillemens continuels et d’une odeur désagréable et malsaine, quand cette sorte de chandelle n’est pas fixée dans la cheminée elle-même. C’est à la lueur de ce triste luminaire que travaillent les fileuses villageoises, qui se cotisent entre elles pour les frais de ce triste éclairage, lequel, suivant l’expression d’un poète espagnol, ne donne qu’autant de clarté qu’il en faut pour rendre l’obscurité visible. Là cependant, comme dans toutes les réunions sociales, l’imagination trouve sa place. Des chansons égaient souvent les veillées. Une vieille conteuse dit des histoires de brigands, de revenans ou d’amans éprouvés par l’adversité. Le local se prête au mieux à la frayeur provoquée par un récit qui ne manque jamais de rappeler des apparitions, des scènes de cimetière ou des traits de malice du démon déjouée par quelque saint personnage. Nous trouvons encore dans les vieilles légendes, sur lesquelles l’imagination active de nos pères s’est assez pauvrement exercée pendant neuf ou dix siècles, des âmes damnées qui recommandent à leurs amis d’être plus sages qu’elles et de ne pas trop aller aux fileries.

La lampe à tête ronde, portée sur une espèce de chandelier et pourvue d’une petite mèche, est encore fort en usage en France et éclaire tout aussi mal que la chandelle de résine. En revanche elle est fort économique. « Pourquoi, dit le vieux Strepsiade à son esclave dans la comédie des Nuées, pourquoi as-tu allumé cette lampe qui boit tant d’huile ? » Il n’eût pas fait ce reproche à nos petites lampes d’étain, mais aussi quelle lumière ! Combien de becs à mèches pareilles ne faudrait-il pas pour faire une de nos lampes Carcel !

Les physiciens ont constaté par l’expérience ce fait remarquable, que pour obtenir beaucoup de lumière d’un combustible quelconque, il faut qu’il brûle vivement. Il n’en est pas de même de la chaleur, et soit que le combustible se consume lentement ou rapidement, il donne toujours la même somme totale de chaleur. Ainsi une bougie ayant une trop petite mèche ne serait pas avantageuse. A la vérité elle durerait plus longtemps, mais sa lumière serait si faible, que la durée ne compenserait pas cette faiblesse extrême. En un mot, supposons une bougie qui dure deux fois moins qu’une autre de même poids : il suffirait, pour la compensation exacte, que celle qui dure deux fois moins éclairât avec un éclat double. Eh bien ! l’éclat de celle-ci sera plus que doublé, et elle aura l’avantage sur l’autre. On peut encore formuler ce principe dans les termes suivans : — ayez deux bougies de même poids dont l’une brûle en huit heures et l’autre en quatre heures ; vous serez mieux éclairé pendant huit heures par les deux bougies de quatre heures brûlant l’une après l’autre que par deux bougies de huit heures de durée brûlant ensemble pendant ce même temps.