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On sait que les pièces de monnaie, les sabres et les épées, les armures des anciens chevaliers, les machines à vapeur sont métalliques, et il semble que personne ne puisse s’y tromper. Si les gens du monde avouent parfois qu’ils ignorent la composition de telle ou telle pièce, s’ils ne savent pas reconnaître du fer ou du zinc, un alliage d’étain et d’antimoine, ou d’argent et de cuivre, si même ils vont plus loin et avouent, dans un langage très peu scientifique, ignorer de quoi est composé l’argent ou le mercure, du moins une substance métallique leur paraît-elle toujours devoir être distinguée de toute autre, et ils ne croient pouvoir la confondre ni avec le bois, ni avec le papier, ni avec l’air, etc. L’idée de métal même semble être une de ces idées simples qui n’ont pas besoin d’être définies, une idée innée pour ainsi dire, analogue du moins à ces idées naturelles aussi indispensables que les sensations d’où elles nous viennent, les idées de chaleur ou de lumière. Et qui jamais a songé à expliquer ce que ces mots signifient? Essayons cependant de voir d’une façon bien positive ce que c’est qu’un métal, et si l’idée de métal est aussi simple qu’on le croit. Nous verrons, je pense, que c’est une substance impossible peut-être à définir et fort difficile tout au moins à concevoir d’une manière précise.

Si l’on essaie d’analyser l’idée que tout le monde s’en forme, on arrivera à peu près à la définition suivante : un métal est une substance solide, grise ou blanche, brillante, dure, plus ou moins ductile, c’est-à-dire pouvant se réduire en fils en passant à la filière, et se réduisant en lames sans se briser sous le choc du marteau ou la pression du laminoir. Les métaux sont en outre très dilatables par la chaleur et toujours opaques. Cette définition, ce semble, est bien simple ; elle convient aux métaux que nous avons le plus souvent sous les yeux, comme le fer, le zinc, l’argent, etc., et l’on est porté à la trouver excellente. Regardons-y pourtant de plus près, et nous ne la trouverons pas aussi vraie. Elle est loin de remplir les conditions d’une bonne définition; elle ne convient pas à l’objet défini tout entier, et elle ne le comprend pas seul. Il y a des métaux qu’elle ne décrit pas, et il est des substances non métalliques qu’elle semble comprendre. Ainsi d’abord la solidité et la dureté ne sont pas essentielles aux métaux, car le mercure, qui en est un sans contestation possible, est liquide à la température ordinaire, et des métaux moins connus, comme le sodium et le potassium, sont très mous. Tous d’ailleurs sont fusibles et peuvent même être réduits en vapeurs. La couleur grise ou blanche leur est-elle essentielle? Le cuivre et le titane sont rouges, l’or est jaune, l’argent réduit en poudre est presque noir. Quant à la malléabilité et la ductilité, ces conditions n’existent pas pour les métaux liquides ou mous, et d’autres les possèdent à un degré si faible, qu’elles ne peuvent entrer dans une