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le tissu pour une gravure estimée. dans l’exécution étrangère, il y a ion jouis de mauvais coups de navette, des parties qui déparent et où la main se trahit. Même contraste dans les articles de haute nouveauté, où l’inspiration domine et qui perdent dans le plagiat une partie de leur charme et de leur caractère. Puisqu’il en est ainsi, laissons faire l’imitation ; elle a moins de périls qu’on ne le dit et qu’on ne semble le. craindre. La France manufacturière est assez forte pour la supporter sans en souffrir, et elle gardera l’honneur d’être pour les industries de luxe le laboratoire et l’atelier d’échantillons du monde entier. Ou copie ses dessins au dehors, mais on les copie, comme on parle sa langue, avec un accent étranger. Il y a d’ailleurs un autre point où l’imitation échoue : c’est l’exécution, c’est l’art du montage, où nos ouvriers sont incomparables, et où ils trouvent, sur le métier même, des effets inattendus. Grands artistes que ces ouvriers, et comment les oublier quand on parle des merveilles qu’ils créent ! C’est de leurs rangs qu’est sorti cet homme de génie à qui l’industrie des soies doit sa plus grande et sa plus féconde révolution, Jacquard, qui vécut et mourut pauvre après avoir enrichi sa patrie et le monde; c’est là que se rencontrent encore de loin en loin des hommes désintéressés et ingénieux comme M. Roussy, auteur de dix perfectionnemens pour lesquels il n’a pas même pris de brevet. Ouvriers méritans et qu’on dépeint si terribles! le goût qui les anime a survécu à tout, à l’esprit de secte, aux ravages de la guerre civile, aux révolutions de la mode et à celles de la politique! Il y a un concert mystérieux entre les innombrables mains qui concourent, souvent sans se connaître, à la confection de ces admirables tissus. Dessinateurs, ourdisseurs, apprêteurs, teinturiers, tous se prêtent sans effort et presque sans méthode un mutuel appui. C’est leur instinct, c’est leur nature; ils font des chefs-d’œuvre comme on ferait ailleurs des choses vulgaires, sans effort et sans avoir la conscience de leur supériorité.

L’exposition des soieries est aussi remarquable par le nombre des fabricans qui ont concouru que par le choix des articles présentés au concours. Lyon seul a 120 exposans. Saint-Etienne, qui s’est abstenu à Londres, en a 54. A ces chiffres, et pour les compléter, il faut ajouter Paris, qui a 16 exposans, Tours, qui en a 3, Nîmes, qui s’est montré bien modeste et n’en a que 2, la Moselle, qui en compte 7 ou 8 pour les peluches, enfin d’autres villes de moindre importance et qui ne dépassent guère l’unité. Qui choisir au milieu de cette légion si vaillante et si éprouvée? A quoi bon répéter des noms qui sont dans toutes les bouches, couronnés dans toutes les expositions, connus de tout ce qui achète, expédie, vend et porte de la soie : pour les étoffes de nouveauté MM. Schultz, Champagne,