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a recueilli, comme un événement, la date des premiers bas de soie qui aient paru en France; ce fut en 1517, et l’honneur de les porter revînt à Henri II. Ces bas étaient d’origine étrangère; nos ateliers ne visaient pas encore si haut. Il fallait tout emprunter aux nations qui avaient pris les devans : les ouvriers à Florence ou à Gênes, les soies à la Perse, à l’Inde, à l’Asie-Mineure et à la Grèce.

D’ailleurs les conditions de la lutte n’étaient, dans cette première période, ni égales ni encourageantes. Les républiques italiennes, douées d’un génie entreprenant, servies par la nature et par la tradition, régnaient alors en souveraines sur le marché européen et n’étaient pas d’humeur à s’en dessaisir. Leurs étoiles réunissaient tous les mérites : l’éclat, la richesse, le bon marché. La matière première était à leurs portes et devint bientôt un produit de leur propre sol. Aussi ne faut-il pas s’étonner de voir la fabrication française contenue dans son premier élan, et sujette à des crises qui plus d’une fois la mirent en péril. Il y eut dans son existence des éclipses suivies de prompts retours, et si elle se maintint en dépit de tout, on le doit à deux causes qui n’ont pas été assez remarquées. La première est la décadence politique de ces petits états à la suite d’une courte grandeur, et qui, par la force des choses, devint une décadence manufacturière. La seconde tient au siège même que cette industrie avait adopté en France. Aucune ville, en effet, n’aurait pu, au même degré que Lyon, soutenir une aussi longue épreuve, ni la faire aboutir à son honneur. Vigilante, opiniâtre, laborieuse, elle pesait dans la balance par le chiffre et la nature de sa population, par la puissance de ses épargnes, par une aptitude au travail difficile à égaler. Une ruche n’a pas plus d’activité ni une activité plus féconde.

Quoi qu’il en soit, après deux siècles de durée, l’industrie des soieries ne semble pas encore bien assise sur ses bases. Vers 1680, le nombre des métiers flotte, à Lyon, entre 9,000 et 12,000, et encore n’est-ce là qu’un apogée, un moment fugitif qui correspond à la belle époque du règne de Louis v1V. Vingt ans plus tard, ce chiffre était bien réduit; il roulait entre 3,000 et 5,000. Des personnes dont l’autorité est réelle, entre autres M. Arles-Dufour, imputent ce déclin à un motif unique, la révocation de l’édit de Nantes, qui priva la France d’un si grand nombre d’industriels habiles et de bons ouvriers au profit de l’Angleterre, de l’Allemagne et de la Suisse. Loin de moi la pensée de contester les suites fatales de cet acte; il n’a que trop pesé sur les destinées de la patrie commune. Seulement il me paraît qu’au lieu d’appuyer sur une circonstance passagère, on aurait pu trouver aux vicissitudes de l’industrie des soieries une cause plus générale, une règle plus constante, une loi