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moyen d’un, traitement nouveau, acquérir une certaine importance. Ces déchets comprennent toutes les soies courtes et brisées, qui résultent du travail de la soie grège, connues sous le nom de frisons et de bassinats, les cocons percés par les papillons destinés à la reproduction et ceux même qui, sous le nom de douppions, proviennent de l’accouplement de deux chenilles filant ensemble le même cocon. Plusieurs exposans en offrent dans leurs montres. L’aspect en est satisfaisant et prouve de sensibles améliorations. Les moyens employés pour transformer ces déchets ont beaucoup d’analogie avec ceux qui sont en usage dans la fabrication de la laine, et se ressentent des perfectionnemens dont cette dernière industrie a été l’objet. Aussi la bourre de soie entre-t-elle aujourd’hui, au moins pour une part, dans beaucoup de tissus nouveaux, non-seulement en soie pure, mais mélangés avec d’autres matières filamenteuses, tantôt à l’état de chaîne, tantôt à l’état de trame, quelquefois incorporée au fil de nature différente. De l’avis des hommes compétens, c’est là une tentative heureuse et qui doit multiplier le nombre des étoffes à bon marché, destinées aux fortunes modestes. La Suisse a fait dans ce genre un pas très marqué. Cependant il ne faudrait pas que cette petite révolution servît d’encouragement à la fraude et fût poussée hors de ses limites. La bourre de soie ne saurait remplacer la soie grège pour les grands articles, où celle-ci domine et doit toujours dominer : dans les foulards, par exemple, qui se prêtent peu à des combinaisons mixtes, même dans les tissus mélangés laine et soie, qui ont des règles précises, comme les baréges, les tarlatanes et les nombreux articles pour robes et châles qui servent de principal élément à la fabrication parisienne.

Telle est l’industrie de la soie avant la période du tissage; je passe maintenant aux soieries; ce sera l’objet de la seconde partie de ce travail.


II.

On a vu que la fabrication des tissus de soie a précédé en France la fabrication de la soie même. Sans admettre qu’il y eût déjà, comme quelques auteurs le prétendent, des fabriques de taffetas, dès le XIIIe siècle, dans le comtat venaissin, il est constant qu’une manufacture fut fondée à Lyon en 1450, une autre à Tours en 1470. Nîmes, Saint-Etienne, Avignon et Saint-Chamond ne montèrent leurs métiers que cent ans plus tard. Ces débuts furent d’ailleurs, autant qu’on en peut juger à cette distance, humbles et précaires; on s’attaqua plutôt aux petites étoffes, aux florences, aux doucettes, qui n’exigeaient pas une grande dépense ni un art bien raffiné. L’histoire