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finesse. On a alors des fils chargés d’huile et d’une substance gommeuse qui exigent une préparation particulière, un décreusage, pour employer un terme de l’art. Au contraire une feuille légère et moins riche en sucs, moins dure également, fournit une soie qui, sans manquer de force, a plus de souplesse, plus d’éclat et plus de pureté. Il faut, pour qu’une feuille ait les qualités nécessaires à une bonne éducation, qu’elle renferme, dans une proportion déterminée, la matière sucrée destinée à l’entretien du ver et la matière résineuse qui sert à la formation de la soie.

Rien n’est plus attrayant que l’aspect des campagnes au moment de l’année où commence et s’achève le travail du magnan. Il y règne une activité, une ardeur dont aucune autre branche de l’art agricole ne saurait donner l’idée. Six semaines seulement séparent l’éclosion du ver de la récolte des cocons; mais comme elles sont bien remplies, les dernières surtout! Vers la mi-avril, la besogne commence; elle cesse vers la fin de juin. Dans cet intervalle, la population rurale est sur pied; point de limites fixes pour les journées; à peine songe-t-on au sommeil et au repos. On dîne debout, presque toujours avec des vivres froids; les femmes sont trop occupées du magnan pour veiller à leur cuisine. L’essentiel, c’est que le ver ne souffre pas, qu’il soit délité après ses mues, qu’il ait des alimens frais quatre fois par jour, qu’il trouve, au moment venu, des portiques de bruyère où il puisse tisser sa dernière enveloppe. A ces diverses opérations, tous les bras du ménage, forts ou faibles, peuvent concourir et trouver un emploi largement rétribué. Les garçons aident à cueillir les feuilles, les jeunes filles secondent leurs mères dans les soins de l’atelier. On dirait que le pays tout entier ne vit et ne respire que pour le ver à soie; c’est une véritable fièvre, dont les citadins eux-mêmes ne sont pas affranchis. Un homme qui fait autorité dans ces matières[1] a pu constater à quel point les fonctions de la vie civile en sont affectées et comme suspendues. Pendant la durée de ce travail, les autres travaux cessent; on ne vend plus, on n’achète plus, on ne passe point d’actes, on ajourne ce qui peut être ajourné. Aussi tout chôme, marchands, notaires, avocats, tout, jusqu’aux médecins et aux pharmaciens; la population n’a pas le temps d’être malade.

Cette activité n’est pas le seul élément nécessaire au succès; il importe encore qu’elle soit accompagnée de l’intelligence. — Pour d’autres labeurs ruraux, l’acte matériel est presque tout; ici sa part est la moindre. — Non-seulement il faut nourrir le ver, mais il faut l’étudier, le suivre, voir comment il se comporte, deviner quand il souffre, connaître les phases régulières de sa vie, en combattre les

  1. M de Lafarelle, ancien député du Gard et membre correspondant de l’Institut.