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cette industrie n’était naturelle ni à notre sol ni à notre climat, et qu’il n’y avait que des échecs à en attendre: à quoi le roi répondit, avec l’autorité de l’agronome dont, il s’appuyait, qu’on en avait dit autant de la vigne et que la vigne avait réussi, que le mûrier et le ver à soie étaient inséparables, et que là où le mûrier portait de la feuille, le ver devait venir à bien. Bref, Sully fut battu, et quand Henri IV quitta l’Arsenal, où l’entrevue avait eu lieu, les destinées de la soie étaient fixées; on allait donner carte blanche à Olivier de Serres et mettre cette culture naissante sous la protection et la tutelle de l’état.

En effet le roi forma une sorte de conseil de commerce et rendit des lettres-patentes pour établir dans tout le royaume, ce sont ses termes exprès, le plant du mûrier et l’art de faire la soie; il écrivit de sa main aux syndics de Genève pour leur demander des hommes versés dans la partie, et ayant obtenu du duc de Savoie, après la campagne de 1600, un certain nombre de plants de mûrier blanc, il chargea Olivier de Serres de les recevoir et de leur donner une destination. Celui-ci y mit une telle diligence, que, dès les premiers mois de l’année d’après, quinze ou vingt mille de ces arbres garnissaient le jardin des Tuileries, et y faisaient sans doute une meilleure figure que les pommes de terre de la convention. C’était, comme il le dit lui-même dans son Théâtre de l’Agriculture, l’introduction de la soie au cœur de la France. Désormais cette industrie n’avait plus rien à attendre que d’elle-même; il ne dépend ni d’un souverain ni d’un ministre de communiquer la vie à ce qui n’est pas viable, et Olivier de Serres, tout habile qu’il fût, cédait à une illusion quand il donnait au mûrier une hospitalité aussi précaire que celle des jardins du roi et des bords de la Seine. Heureusement l’activité particulière allait s’emparer du nouvel instrument qui lui était offert, choisir un meilleur terrain et obtenir des résultats qu’aucune faveur ne lui eût assurés, s’ils n’avaient été dans la nature des choses. Pour mieux apprécier ces résultats, avant de suivre l’industrie de la soie dans ses développemens et de dire quelle figure elle fait à l’exposition de 1855, il faut maintenant expliquer en quelques mots ce qu’elle est et quels en sont les agens et les procédés.

Quand les œufs du ver. à soie ont été préparés et lavés, puis sèches avec soin, et que le moment .convenable est arrivé, on les dépose dans les locaux où ils doivent éclore. Naguère ce n’étaient que des chambres assez mal chauffées et encore plus mal tenues, dont le régime variait suivant les lieux ou les éleveurs, sans qu’il y eût de donnée fixe ni de méthode dominante. Chez quelques cultivateurs, la chenille était un commensal, vivant dans la pièce commune, profitant de la chaleur du foyer et grimpant le long des murs aux bruyères