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contraire serait beaucoup plus durable et d’ailleurs plus avilissante. — Adlercreutz parla après lui. Il aurait voulu, disait-il, garder le silence, parce que, né Finnois, son jugement pouvait ne pas paraître impartial. Puisqu’on l’interrogeait directement, il était d’avis que la possession de la Finlande était indispensable pour la Suède, dont l’indépendance no saurait avoir aucune meilleure garantie. Il ajouta que la rupture entre la Russie et la France serait une admirable occasion de reconquérir cette province, et que jamais la Suède n’en retrouverait une pareille… — Bernadotte, qui n’avait écouté qu’avec une impatience mal contenue le premier orateur, ne se contint plus en entendant celui-ci. « Quoi ! s’écria-t-il en l’interrompant, cette Finlande n’a-t-elle pas été au contraire l’éternelle pomme de discorde entre la Russie et la Suède, et ne vous a-t-elle pas entraînés dans toutes les guerres qui ont ruiné votre pays ? Ne savez-vous donc rien de tout cela ?… » À mesure qu’il parlait, le prince s’échauffait davantage ; tout à coup il se précipita, le bras levé, vers Adlercreutz, qui, sans donner la réplique, se détourna et sortit. — Ainsi fut rompue, un peu brusquement, la scène de la délibération. La réconciliation avec Adlercreutz ne fut jamais, à vrai dire, très intime ; mais enfin il était avec Sandels et Skiöldebrand aux côtés du prince à Leipzig et pendant toute la campagne d’Allemagne. Bernadotte les avait finalement rangés à son avis.

Restait la diète suédoise, fort ardente aussi contre les Russes, et dont il fallait vaincre les répugnances. C’était une diète extraordinaire, que le gouvernement avait dû convoquer en avril pour obtenir les fonds nécessaires à la défense militaire du pays pendant la grande lutte qu’on pouvait prévoir entre la France et la Russie. Les députés des quatre ordres ne contestaient pas la nécessité de se tenir prêts à sauvegarder la dignité de la Suède, ou même à profiter des circonstances ; mais ils ne connaissaient pas le traité conclu par Bernadotte sans leur assentiment avec les Russes pendant le mois précédent, et ils comptaient bien au contraire faire cause commune avec la France. Quel fut donc leur étonnement, lorsqu’ils entendirent le discours du trône formuler une sorte de menace contre Napoléon ! « Je vous ai convoqués, disait le roi, dans un moment où de grands événemens extérieurs paraissent préparer de nouveaux malheurs à l’Europe. Affranchie par sa position de la triste obligation d’obéir à une direction étrangère qui pourrait ne pas être d’accord avec ses véritables intérêts, la Suède a tout à espérer de sa parfaite union, de sa bravoure et de son calme, tout à perdre si elle s’abandonne aux divisions intérieures et à des craintes déraisonnables. » Ce fut le 13 mai seulement que le gouvernement communiqua au comité secret nommé par la diète un rapport sur la politique extérieure. Ce rapport