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Suède au système continental, et les instructions données de Paris à M. Désaugiers, secrétaire de la légation à Stockholm, et à M. Alquier, nommé ministre de France auprès de la même cour, leur recommandaient seulement de surveiller avec la plus grande sévérité l’exécution de cet unique engagement. Les Suédois devaient donc interrompre toutes relations avec l’Angleterre, fermer tous leurs ports à ses vaisseaux de guerre ou de commerce, les canonner et les confisquer, s’ils s’aventuraient dans leurs eaux malgré cette défense; ils devaient même faire précéder d’une formelle déclaration de guerre ces démonstrations hostiles. Toutefois en l’absence d’une flotte française capable de protéger la Suède contre les attaques des Anglais, en l’absence de subsides qui pussent compenser d’énormes pertes d’argent, Charles XIII et les Suédois ne voyaient pour eux-mêmes dans l’exécution de ce système qu’une cause de désastre et de ruine. Ils déclarèrent la clôture de leurs ports, mais ce fut une mesure illusoire. Ayant obtenu de Napoléon la permission d’acheter et d’importer le sel nécessaire à leur alimentation pendant sept mois de l’année, ils crurent ou feignirent de croire que cette concession en impliquait d’autres, et que la tolérance des deux gouvernemens français et anglais, fermant les yeux sur ces communications contraires au blocus, voudrait épargner leur commerce. « Le traité du 6 janvier, disait naïvement M. d’Engeström, interdisait les relations commerciales de l’Angleterre avec la Suède, mais non pas de la Suède avec l’Angleterre[1]. » Gothenbourg, qui aurait dû être l’entrepôt de notre commerce avec la Russie et notre station maritime dans le Nord contre l’Angleterre, Gothenbourg, où le traité de 1784, dont nous n’avons jamais profité, nous accordait une exemption totale de droits de séjour ou de magasin, devenait une station anglaise. Les paquebots anglais y amenaient, outre les marchandises, une foule d’intrigans payés par l’Angleterre, et qui répandaient partout la haine contre la France. Le cabinet suédois, après les mille instances de M. Désaugiers, ne se détermina qu’au mois de juin 1810 à renvoyer le chargé d’affaires anglais de Stockholm et à interdire la venue des paquebots anglais sur la côte occidentale, et ce ne fut qu’à la fin de septembre que la Suède tira le premier coup de canon contre l’Angleterre, qui ne le prit pas même au sérieux. C’est alors que, perdant patience, Napoléon fit venir à Fontainebleau le ministre de Suède, et, après d’amères et violentes paroles, lui assigna pour ultimatum « la guerre ouverte dans cinq jours avec l’Angleterre ou avec la France[2] . »

  1. Dépêche chiffrée de M. Désaugiers, 20 mai 1810.
  2. Le curieux entretien du 25 octobre 1810 entre Napoléon et M. de Lagerbielke a été souvent reproduit d’après la dépêche suédoise imprimée à Stockholm; on le trouve aux archives des affaires étrangères à Paris rédigé un peu différemment de la main même le M. de Champagny.