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avait un peu plus de force et d’éclat. À la rigueur, les artistes que nous venons de mentionner auraient été suffisans pour donner une idée du chef-d’œuvre qu’ils ont choisi pour leurs débuts, s’ils avaient la tradition de cette musique, qui exige autant de bravoure que d’intelligence. Tous les morceaux d’ensemble, à commencer par le quintette celeste man placata jusqu’à la prière sublime qui termine la pièce, ont été chantés trop vite et avec une sécheresse qui n’est pas ordinairement le défaut des chanteurs italiens, même les plus médiocres. Nous signalons ce défaut capital au chef d’orchestre, M. Bottesini, qui est un musicien de mérite et un virtuose remarquable sur la contrebasse, à ce que l’on assure.

L’exécution de la Cenerentola, que le Théâtre-Italien a reprise tout récemment après trois représentations peu fructueuses de Mosé, a été beaucoup meilleure, et donne lieu d’espérer qu’avec du soin et de la vigilance la nouvelle troupe réunie par M. Calzado surmontera les difficultés de la situation. Le public ne demande pas mieux que de s’amuser, et quand on lui offre un attrait de bon aloi, on est à peu près certain de son concours. Mme  Borghi-Mamo, que nous connaissons de l’année dernière, où elle s’est révélée dans le fameux duo de Matilde de Shabran, qu’elle chantait d’une manière si exquise avec Mme  Bosio, et puis dans il Trovatore de M. Verdi, vient d’aborder le rôle de la Cenerentola, dans lequel Mme  Alboni a laissé de si charmans souvenirs. Eh bien ! Mme  Borghi-Mamo, dont la voix de mezzo soprano n’a pas la puissance et le mordant qui caractérisent le beau contralto de Mme  Alboni, lui est de beaucoup supérieure par le goût, le sentiment et la distinction du style. Elle a dit à ravir le joli duo avec Ramiro au premier acte, et s’est fait applaudir dans l’introduction du finale, ainsi que dans le rondo, où l’Alboni déployait toutes les ressources d’une vocalisation luxuriante, qui était bien plus un don de la nature qu’une conquête de l’art. Nous parlons, hélas ! au prétérit, car il est arrivé à Mme  Alboni ce que tout le monde a remarqué chez Mlle  Rachel : elle a perdu à voyager et à chanter dans toutes les langues de l’Europe la moitié de son talent et cette délicatesse de timbre qui lui tenait lieu de sentiment. Mme  Borghi-Mamo nous la fera promptement oublier, car sa voix, plus flexible qu’on ne pouvait l’espérer d’abord, est dirigée par un goût qui laisse souvent peu à désirer. Mme  Borghi-Mamo a été fort bien secondée par M. Carrion, qui a été plus heureux dans le rôle de Ramiro que dans celui d’Aménophis, bien que les défauts de précipitation et de bredouillement que nous lui avons déjà reprochés y soient tout aussi choquans, et par M. Everardi, qui a chanté avec beaucoup de brio la partie si difficile de Dandini. Si ce jeune virtuose, qui est doué d’un physique vraiment agréable et d’une voix de baryton très flexible, parvient à modérer un excès de zèle et de bonne volonté qui lui fait souvent dépasser le but, il peut devenir un buffo cantante de premier ordre. M. Zucchini, qui débutait dans le rôle de don Magnifico, où Lablache a laissé son empreinte de lion quando si posa, a été accueilli avec faveur, et bien que sa voix ne soit pas précisément une basse, elle est suffisante, et l’artiste rachète ce défaut de nature par un excellent masque d’une pantomime expressive. On a fait répéter le duo du second acte, un segreto d’importanza, ainsi que