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du Brésil sur la Bande-Orientale, pour qu’on ne le soupçonne pas de voir avec satisfaction ces troubles sans cesse renaissans. Aussi toutes les correspondances de Montevideo s’accordent-elles à reconnaître qu’on accuse la politique brésilienne de fomenter la révolution pour user successivement tous les hommes, déconsidérer toutes les opinions, et amener la population, par l’excès de ses maux, à se remettre à la discrétion de ses voisins. Mais n’est-ce pas une question sur laquelle on aurait quelque chose à dire en Europe ? L’indépendance et la nationalité de la Bande-Orientale sont, une création médiocrement heureuse de la politique anglaise, et dont nous avons acquis plus tard le droit de garantir l’existence. L’extension de l’empire brésilien jusqu’à l’Uruguay et à la rive gauche de la Plata peut donc devenir un objet de discussion. Cependant nous dirons toute notre pensée. L’Angleterre et la France serviraient bien mal les intérêts du peuple oriental, et par suite ceux de leur commerce dans ce pays, en s’opposant purement et simplement à son absorption par ses voisins ; ce serait consommer sa ruine. Il faut une protection plus efficace, des conseils, des secours, une intervention bienveillante dans ses affaires. L’isolement absolu n’est plus possible pour la république de Montevideo. Que les Brésiliens se retirent, aussitôt la guerre civile éclate, et au milieu du désordre qui l’accompagne, l’élément brésilien poursuit la conquête, déjà fort avancée, de l’intérieur du pays, au profit duquel toute la zone du littoral est appauvrie, comme M. Andrès Lamas, — qu’on suppose pourtant l’instrument du cabinet de Rio, —le lui a reproché dans des mémorandums confidentiels, dont il vient de publier des extraits singulièrement instructifs sur le résultat pratique de l’alliance brésilienne. Si la Bande-Orientale doit continuer à vivre indépendante, il est donc nécessaire que des puissances désintéressées lui viennent en aide pour quelques années, afin que sous leur impartiale médiation le pays rétablisse son agriculture et son commerce, au lieu de se déchirer. Si au contraire cette médiation est trop difficile à organiser, que Montevideo se rattache à la Confédération Argentine ; c’est le seul parti sensé qu’il ait à prendre. Ou si les absurdes passions qui tendent partout dans l’Amérique du Sud à fractionner les associations naturelles de même race en groupes de plus en plus petits éloignent encore les Orientaux des Argentins leurs frères, qu’on les laisse se jeter franchement dans les bras du Brésil. Le Brésil cessera de ruiner l’Uruguay quand il en sera maître. Mais quoi !… On ne jouerait plus tous les ans à la révolution !

De son côté, le gouvernement de la Confédération Argentine vient d’accréditer, un représentant officiel à Paris et à Londres. C’est M. Alberdi, littérateur et publiciste distingué, qui jeune encore a figuré dans les rangs de l’émigration de Buenos-Ayres par son ardeur à combattre le despotisme du Général Rosas. M. Alberdi est le théoricien de la constitution des treize provinces qui, sous la présidence du général Urquiza, ont jusqu’à présent réussi à maintenir leur cohésion, et ont droit à la sympathie des puissances maritimes par la bonne foi avec laquelle elles cherchant à développer le principe fécond de la libre navigation du Parana et de ses afiluens. Cependant il ait bien désirable que le gouvernement de Buenos-Ayres, secouant les traditions d’un monopole suranné, qui sont aussi, chose remarquable, les tra-