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Tchihatchef sur les montagnes de l’Asie-Mineure, celle à laquelle l’avaient le mieux préparé les études favorites de toute sa vie, je veux dire l’examen de la constitution géologique. Ces recherches se rattachent à l’ensemble de celles qu’il a consacrées à la péninsule entière; elles trouveront leur place dans les autres volumes de cette publication[1]. Pour le moment, il a dû se borner à envisager l’orographie de cette contrée au point de vue purement topographique, et dans les conditions que comportait une description géographique qu’il avait en vue, et que l’on peut considérer comme la plus complète et la plus exacte qui ait encore paru.

Le plan de M. Tchihatchef est vaste; peut-être l’est-il trop pour les forces isolées d’un seul homme, puisqu’il embrasse à la fois tout ce qui est du ressort des sciences physiques ou du domaine des sciences économiques et de l’archéologie, et comporte ainsi les études les plus variées et les plus dissemblables. Jusqu’ici un seul homme s’est rencontré, Alexandre de Humboldt, qui, dans la description des pays qu’il a parcourus ou sur lesquels son génie s’est exercé, ait su allier les ressources d’une vaste érudition à la connaissance la plus approfondie des lois de la nature. Sans aspirer à égaler un pareil modèle, c’est une noble ambition que de chercher à s’en rapprocher, et c’est l’ensemble de l’œuvre de M. de Tchihatchef qui permettra seul de décider jusqu’à quel point il y est parvenu.


E. DULAURIER.

  1. En attendant, il y a quelques mots à dire de l’exécution intrinsèque de ce premier volume. L’auteur nous apprend dans son introduction qu’il parcourait l’Angleterre pendant l’impression de son livre, et que les épreuves qui lui étaient envoyées ont été corrigées par lui en chaise de poste ou dans les wagons des chemins de fer. Plus d’une page se ressent de cette continuelle locomotion. Des lapsus qui altèrent des noms propres ou des expressions techniques, ainsi que des fautes typographiques assez nombreuses laissées sans correction, accusent les distractions inséparables d’un travail fait au loin et sur les grands chemins. J’en dirai autant de la carte géographique. Tout en tenant compte des difficultés inhérentes à la gravure d’une grande carte chargée de détails, on ne peut s’empêcher de reconnaître que des erreurs s’y sont glissées qui n’auraient point échappé à une révision faite dans le recueillement du cabinet. Dans une note qui termine un errata très insuffisant, l’auteur fait valoir, pour se justifier, les variations des mots turks transcrits en caractères français; mais outre que ces variations sont ici quelquefois des fautes matérielles d’impression, il y a, ce me semble, un inconvénient grave à admettre dans un corps d’ouvrage une instabilité orthographique perpétuelle, sensible surtout lorsque l’on rapproche la carte du texte qui sert à l’expliquer. Je me serais abstenu d’observations aussi minutieuses, s’il ne s’agissait point d’un livre qui est le résultat de travaux considérables et consciencieux, et exécute avec un luxe qui, sans être exagéré, en rend le prix comparativement assez élevé. Rien de plus facile du reste pour le lecteur que de corriger à la main ces fautes qui sautent aux yeux, en attendant que fauteur lui-même les lasse disparaître d’une seconde édition dont je lui souhaite la bonne fortune de tout mon cœur.