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nombreuses chaînes qui sillonnent les provinces occidentales, le Tmolus, le Missoguis, le Soultan-Dagh, le Mourad-Dagh, l’Imir-Dagh, le Demirdji-Dagh, les montagnes de La Lycie, les chaînes de l’Olympe mysien et de l’Olympe gala tien, etc., seraient exclues du système du Taurus des anciens.

Au moyen âge, ce système cessa de recevoir une appellation générique ; et les auteurs orientaux ne le connaissent plus que sous des dénominations locales. Les chroniqueurs des croisades ne font que rarement usage du terme de Taurus, quoiqu’ils aient eu plus d’une fois l’occasion de le mentionner, puisque dès la première croisade l’armée chrétienne eut à franchir l’Anti-Taurus pour se diriger par la montagne du Diable sur Marasch, dans la Cilicie.

Après avoir étudié dans tous leurs détails les ramifications compliquées du Taurus, M. de Tchihatchef décrit successivement et de proche en proche toutes les chaînes qui, directement ou indirectement, convergent vers ce massif principal, et dont il a vérifié sur tous les points, par de laborieuses ascensions, l’altitude, la direction et les rapports qu’elles ont l’une avec l’autre dans l’ensemble du réseau orographique de l’Asie-Mineure.

L’une des plus curieuses et des plus pénibles de ces ascensions est celle qu’il fit sur l’Ardjis-Dagh (argæus mons), colossale montagne volcanique au sud-est de Césarée, que l’on peut considérer, dans l’état actuel de nos connaissances, comme le point culminant de la péninsule, et qui, avec les massifs qui lui servent de ceinture ou de piédestal, occupe une surface qui n’a pas moins de 70 lieues métriques. Le sommet de l’Ardjis-Dagh, en plongeant dans la région des neiges et des glaces éternelles, se dresse sous la forme d’un cône terminé par deux pics, dont l’un, l’oriental, a des contours assez doux, à la différence du pic occidental, qui est hérissé d’aiguilles et sillonné d’échancrures. Le point le plus élevé auquel il soit possible d’atteindre et auquel parvint le voyageur russe a 3,841 mètres. Ce point marque la hauteur du bord méridional du cratère.

Un phénomène aussi singulier qu’imposant, dont il eut l’occasion d’être témoin, est celui qu’il appelle le réveil de l’Argée, et qui était produit par l’accumulation tout à fait exceptionnelle des neiges tombées cette année (1848). Les blocs qui se détachent continuellement des sommets les plus élevés s’entassent et se fixent dans la neige congelée pendant la nuit ; mais aussitôt que le soleil ramollit le ciment qui les retient captifs, ces blocs s’échappent comme de la bouche d’un mortier, et, répercutés par les rochers qu’ils heurtent sur leur passage, bondissent avec une violence extrême. Rien de plus majestueux, de plus solennel que cette scène. Après un silence qui n’est interrompu dans ces solitudes aériennes par le mouvement d’aucune créature vivante, tout à coup, au premier rayon de l’astre du jour, ces batteries opèrent leur explosion, et l’aube s’annonce par des détonations que suit une grêle de blocs se croisant en tout sens, et décrivant quelquefois des paraboles dans les airs. Malgré la précaution que prit l’intrépide explorateur, d’après ‘avis de ses guides, de se mettre en marche vers la fin de la nuit, il ne put éviter l’honneur dangereux d’assister au lever du géant argéen, et d’essuyer une bonne part, des salves tirées à cette occasion.

Je n’ai point eu à signaler ici la partie capitale des travaux de M. de