Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/443

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chaînes de montagnes presque toutes dirigées du nord-ouest au sud-est, constitue le tiers de la superficie de la péninsule; le reste, qui comprend les provinces de l’ouest, du nord et du sud, forme la contrée montagneuse sur laquelle nous allons arrêter un instant nos regards.

Dans la zone méridionale se dresse le massif, si célèbre dans l’antiquité sous le nom de Taurus, auquel s’appuient, comme une extension naturelle dans la direction du nord-est, les contreforts de l’Anti-Taurus. Ce groupe de montagnes embrasse par conséquent les massifs partiels qui remplissent la Lycie, la Pisidie, la Pamphylie, l’Isaurie, la Cilicie-Pétrée, ainsi que la contrée entre la Cilicie-Champêtre et la Cappadoce. Vers l’Orient, M. de Tchihatchef lui assigne pour bornes au nord-ouest les parages de Gurun, 33 lieues environ à l’est de Césarée, au nord le plateau trachytique du système argéen et les grandes plaines lacustres de la Lycaonie.

Dans le langage géographique des anciens, le nom de Taurus a deux significations. L’une est générale et désigne toute la chaîne à laquelle ce nom et quelquefois celui de Caucase étaient appliqués. Prolongée à travers tout le continent asiatique, cette chaîne, comme un rempart immense, le partageait en deux parties, de l’ouest à l’est. L’autre acception, toute spéciale, ne se rapportait qu’à la partie du Taurus qui traverse l’Asie-Mineure.

La première, celle qui était prise dans le sens le plus large, n’était fondée, à vrai dire, que sur l’extrême imperfection des notions géographiques des anciens, et n’avait son origine que dans des fictions ou des généralisations plus ou moins arbitraires. Le même vague, plane sur la seconde, quoique restreinte à une chaîne placée en-deçà des limites de la partie du globe soumise à l’observation directe et positive des anciens, et les auteurs diffèrent tout à fait sur le point de départ de cette chaîne. Strabon en place le commencement soit dans le voisinage de l’île de Rhodes, soit sur le bord occidental du golfe d’Attalia (aujourd’hui Adalia); Tite-Live, Denys le Periégète, Festus Rufus Avienus, dans la Pamphylie; Pline, dans la Lycie, près du golfe Chélidonien; Diodore de Sicile, dans la Cilicie. Procope, qui partage l’opinion du compilateur sicilien, continue le Taurus à travers la Cappadoce et l’Arménie, par-delà l’Ibérie, jusqu’à la porte Caspienne. Au milieu de ces opinions divergentes, M. de Tchihatchef pense que le moyen le plus certain pour fixer la délimitation de la chaîne est la division de la péninsule en Asie citérieure, ou en-deçà du Taurus, et en Asie ultérieure, ou au-delà du Taurus, division qui avait pour base cette chaîne même, et qui a été admise d’une manière plus ou moins explicite par les auteurs les plus accrédités de l’antiquité. D’après ce mode de partage, le Taurus aurait son point austral à l’extrémité occidentale du golfe d’Attalia, sur les confins de la Pamphylie et de la Lycie, en s’étendant tout le long du littoral de la Karamanie jusqu’au golfe d’Alexandrette, et en se soudant à l’Amanus, qui sépare la Cilicie de la Syrie. Au nord, il aboutirait à une ligne commençant à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de la ville d’Attalia, et qui, s’infléchissant vers le nord-est, irait se terminer à l’embouchure de Kizil-lrmak, entre la Paphlagonie et le Pont. Le Taurus comprendrait ainsi toute la largeur de la péninsule, et aurait environ 450 kilomètres de développement du sud au nord. De cette manière, les