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qui, depuis Cos jusqu’à Mitylène et Ténédos, reflètent leur verdoyante parure dans l’azur de ces belles mers, et la Grèce, en face, à l’autre extrémité du bassin de l’Ægée : Noble et heureuse contrée, lorsqu’elle voyait fleurir dans tout leur éclat des cités telles que Guide, Halicarnasse, Milet, Éphèse, Smyrne, Phocée, Sardes, Pergame, Troie! terre féconde en grands hommes, séjour des arts, de la philosophie, illustré par les merveilles que l’industrie et la civilisation la plus raffinée peuvent enfanter!

Dans la Méditerranée, sur la côte méridionale, la Lycie se dessine aussi en contours très accentués, que la nature, aidée par des moyens artificiels, convertirait sans peine en autant de ports excellens. Le commerce y trouverait à s’alimenter des céréales des plaines de la Pisidie et des bois de construction navale que donnent les belles forêts qui couronnent les chaînes de la Lycie et de la Pamphylie. A l’extrémité orientale de la côte sud du golfe d’Alexandrette, au moyen âge, fut l’un des débouchés les plus actifs du commerce européen avec l’Asie. A l’époque où les Franks étaient maîtres de la Syrie, et plus tard, lorsqu’ils ne leur resta de leurs conquêtes d’outre mer que le royaume de Chypre, les navires vénitiens et génois fréquentaient dans ce golfe le port d’Aïas, ou Lajazzo, l’ancienne Ægée, appartenant aux rois arméniens de la Cilicie, et par ce point entretenaient avec l’intérieur de l’Asie-Mineure des relations qui s’étendaient d’un autre côté jusque dans la haute Asie.

Le littoral du nord, à partir de l’embouchure du Bosphore jusqu’à Samsoun (Amisus), n’a que des baies et des golfes plus ou moins ouverts et exposés à l’action des vents. La seule de ces anfractuosités que l’on puisse considérer comme un véritable port est la baie de Batoum, qui offre aux vaisseaux un abri sûr et commode. Malgré cette infériorité, le littoral septentrional de la péninsule est appelé à acquérir dans l’avenir une haute importance commerciale et militaire comme formant une moitié du pourtour de la Mer-Noire. Quels que soient les maîtres futurs de cette mer, toutes les contrées qu’elle baigne doivent tôt ou tard, mais inévitablement, entrer dans la sphère où s’agitent les intérêts positifs et militans de l’humanité, et prendre part au grand mouvement de communications et d’échanges qui tend à s’établir entre le monde oriental et l’Occident. Trébisonde, rattachée déjà à Constantinople par la ligne des bateaux à vapeur du Lloyd autrichien et de la compagnie anglaise de Liverpool, est la voie la plus directe pour pénétrer dans la Perse, et l’Asie centrale. Des avantages immédiats attendent aussi sur cette même côte le commerce européen, lorsque les provinces voisines, cultivées avec soin et intelligence, livreront tous les produits d’un sol fertile, et que la science moderne, exploitant avec les ressources dont elle dispose leurs gisemens métallifères, en arrachera les richesses qui se dérobent encore dans des profondeurs inexplorées.

En s’écartant du littoral de la péninsule pour avancer dans l’intérieur, M. de Tchihatchef nous met d’abord en présence des vastes bassins lacustres dont cette contrée est richement dotée, et qui représentent en lieues métriques une superficie totale de 235 lieues carrées. C’est dans la partie occidentale, et dans celles du centre et du sud, qu’ils sont disséminés, tandis que les zones du nord et de l’est n’en possèdent qu’un très petit nombre,