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Tireboli (Tripoli). Sur la carte de l’auteur des Recherches dans l’Asie-Mineure, le Pont et l’Arménie, M. Hamilton[1], cette limite est encore plus resserrée, puisqu’elle s’arrête à la vallée du Termê-tchaï, le Thermodon, si célèbre par le mythe des Amazones, qui vivaient sur ses bords. Chacun de ces deux savans voyageurs, par un scrupule très louable d’exactitude, a cru ne point devoir élargir son cadre au-delà des régions qu’il lui a été donné d’explorer personnellement. En reculant plus à l’est, au-delà de Trébisonde, et en faisant entrer le pachalik de ce nom dans la circonscription de l’Asie-Mineure, on obtiendrait une démarcation plus naturelle de la péninsule, dont la surface égalerait alors celle de la France. Dans les bornes où la renferme M. de Tchihatchef, sa plus grande longueur, prise depuis les sources de l’Halys jusqu’au cap Baba (Lectum promontorium), sur la côte de la Troade, a une étendue de 214 lieues de 25 au degré; son maximum de largeur est entre le cap Zephyrium, dans la Cilicie-Pétrée, et la ville de Sinope, sur un espace de 123 lieues, et son plus fort rétrécissement entre le lac Kendjez-liman et l’embouchure du Moualitch-tchaï (Rhyndacus), un des affluens de la mer de Marmara, sur une ligne de 83 lieues.

Les divisions politiques actuelles de l’Asie-Mineure, d’après le tableau officiel donné par l’Annuaire (Sal-namé) de l’empire ottoman[2], sont réparties en neuf eïalet ou gouvernemens généraux, dont les dénominations rappellent les noms de quelques-uns des beys turkomans qui héritèrent de la puissance des Seljoukides d’Iconium, et sur la ruine desquels s’éleva l’empire ottoman. Ces eïalet, administrés par des pachas ayant rang de vizir, sont : 1° Kastemonni, qui se compose d’une partie de la Bithynie et de la Paphlagonie; 2° Khodavendighiar ou la province de Brousse, qui correspond à une portion de la Phrygie, de la Bithynie et de la Mysie; 3° Saroukhan, qui s’est formé de fractions détachées de la Mysie, de la Lydie et de l’Ionie; 4° Aïdin, d’une partie de la Lydie, de la Phrygie et de la Carie; 5° Karaman, de la Pisidie, de la Lycie, de la Pamphylie et de la Cilicie-Pétrée; 6° Adana, qui est la Cilicie-Champêtre; 7° Marasch, qui comprend une partie de l’Arménie-Mineure; 8° Sivas et Bozok ou la Cappadoce; 9° Tharabozoun ou Trébisonde, qui réunit une portion de l’Arménie-Mineure et les provinces du Pont et de la Colchide. Ces neuf gouvernemens se subdivisent en vingt-six elviet ou districts, placés chacun sous la juridiction d’un fonctionnaire qui prend le titre de kaïmokan ou lieutenant du gouverneur général.

Quoiqu’il soit très difficile, pour ne pas dire impossible, dans un pays comme l’empire ottoman, où n’existe encore aucune administration régulière, d’obtenir un calcul statistique tant soit peu exact, cependant on peut assigner approximativement à l’Asie-Mineure une population de douze à treize millions d’habitans. Les uns, comme les Turks, les Arméniens et les Crées, sont sédentaires et occupent les villes ou les misérables keuis (villages) épars

  1. Researches in Asia Minor, Pontus and Armenia, by William J. Hamilton, 2 vol. in-8o; Londres 1842.
  2. Notice de M. Bianchi sur le premier Annuaire impérial de l’empire ottoman, publié à Constantinople pour l’année de l’hégyre 1268 (1847). Voyez le Journal asiatique, années 1847 et 1848.