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légende de Gygès, est renversée par Cyrus, et le dernier des souverains de cette dynastie, le riche Crésus, est fait prisonnier dans Sardes, sa capitale, qu’arrosait le Pactole aux flots d’or. À la suite de la révolte de Cyrus le Jeune contre son frère Artaxerxe Mnémon, de sa défaite et de sa mort à Cunaxa, c’est par le nord de l’Asie-Mineure que s’accomplit la retraite des dix mille, dont le récit nous a été traçants par le grand écrivain et l’habile capitaine qui la dirigea. La bataille du Granique dans la Mysie et celle d’Issus en Cilicie ouvrent aux armes victorieuses d’Alexandre l’accès de tout le continent asiatique, et après la mort du conquérant macédonien, c’est dans les plaines de la Phrygie, à Ipsus, que ses lieutenans décident, les armes à la main, du partage définitif de son vaste empire. Plus tard, la péninsule devient le théâtre de la lutte longue et acharnée, que soutint Mithridate contre les Romains, dans laquelle s’illustra Lucullus, et que Pompée eut la gloire de terminer. Sous les successeurs de Constantin, les plus solennelles assemblées du christianisme se réunissent à Nicée, à Éphèse et à Chalcédoine ; la Cappadoce produit la savante école de Césarée et quelques-uns des plus célèbres docteurs de l’église grecque. Plusieurs siècles s’écoulent, et les Turks, sortis des steppes de l’Asie centrale, envahissent de proche en proche l’Asie-Mineure ; ils fondent dans la Lycaonie l’empire d’Iconium, contre lequel viennent tant de fois se heurter les croisés, tandis que, sur les remparts de la chaîne du Taurus, flotte la bannière des princes arméniens de la Cilicie. Après les sultans Seljoukides d’Iconium, succombant sous les coups des Mongols, s’élève la dynastie des sultans ottomans, qui s’établit à Nicée, avant que Constantinople tombe en son pouvoir. Au commencement du XVe siècle, le vainqueur de Sigismond, roi de Hongrie, Bayezid Ilderim (la foudre) est vaincu à son tour par les Tartares, et devient prisonnier du redoutable Timour (Tamerlan) à la bataille d’Ancyre, le dernier des événemens considérables qu’aient enregistrés les annales de l’Asie-Mineure.

Malgré l’attrait des souvenirs historiques, des ruines éloquentes et des richesses naturelles qui appellent l’explorateur sur cette terre privilégiée, elle n’avait été que peu visitée et très imparfaitement étudiée antérieurement au demi-siècle qui vient de s’écouler. Arrêtés sur le seuil par des obstacles impossibles à vaincre, les antiquaires se bornaient à l’exploration des points les plus célèbres du littoral. C’est seulement depuis que la porte est entrée dans la voie des réformes et des progrès et qu’elle a compris qu’il est de sa dignité d’imprimer un sceau d’inviolabilité, d’assurer une assistance efficace aux Européens qui recourent à sa protection, que les missionnaires de la science ont pu pénétrer dans les provinces inexplorées de l’Asie-Mineure, partout du moins où la puissance du sultan peut exercer une action réelle.

Une somme de travaux plus ou moins remarquables a été déjà le fruit de ces investigations contemporaines ; mais, comme le fait remarquer M. de Tchihatchef, l’auteur de l’étude qui nous occupera surtout ici, les préoccupations purement archéologiques dont l’Asie-Mineure a été l’objet ont eu un caractère tellement exclusif, que l’intérêt qu’inspiraient les anciennes cités ne s’est point étendu à l’orographie et à l’hydrographie des localités où elles étaient situées. Les renseignemens, souvent très curieux, disséminés dans les écrits des anciens, des auteurs du moyen âge et surtout des