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peintre des Willis a traité des sujets qui semblaient se prêter à la poésie beaucoup plus qu’au pinceau.

Cependant, si les encouragemens donnés à la peinture murale sont un service très réel, nous devons dire que ces encouragemens n’ont pas toujours été distribués avec discernement. Les recommandations obtenues par l’importunité ont parfois prévalu, au grand détriment des artistes habiles recommandés par leur seul talent. Il me suffit de rappeler la chapelle de Saint-Vincent-de-Paule, confiée à M. Lépaulle, qui ne possède pas les premières notions de la peinture religieuse. Pour que les arts du dessin profitent complètement de la générosité de l’état et de la municipalité, il faudrait, dans le partage des travaux, ne tenir compte que du talent, et n’avoir aucun égard pour les recommandations.

Ce qui vient de se passer au Louvre est une leçon assez significative, qui ne doit pas être perdue. Pour la réunion du palais de Philibert Delorme au palais de Pierre Lescot, l’administration avait appelé tous les sculpteurs connus et inconnus : elle voulait partager ce magnifique gâteau entre des bouches nombreuses. L’intention était chrétienne, vraiment évangélique; mais en pareil cas la charité n’est pas le seul conseiller qu’on doive interroger; en n’écoutant qu’elle, on risque trop souvent de se fourvoyer. Qu’est-il arrivé? Plusieurs modèles demandés à des mains inhabiles ont été refusés comme indignes de leur destination. Pour l’arc de l’Etoile, l’administration s’était montrée malheureusement beaucoup trop indulgente.

Arrivé au terme de ce long travail, je sens que j’ai dû, à mon insu, me rendre coupable de plusieurs omissions. Soit en parlant de l’école française, soit en parlant des écoles étrangères, je n’ai peut-être pas discuté tout ce qui méritait les honneurs de la discussion : je n’ai pourtant rien négligé pour m’éclairer; mais le lecteur me pardonnera sans peine mes oublis involontaires en songeant que j’avais devant moi plus de cinq mille ouvrages dont une partie n’était pas heureusement éclairée. J’ai posé nettement toutes les questions qui s’offraient à mon esprit, je les ai débattues avec sincérité; quant aux jugemens que j’ai prononcés, je n’ai pas la prétention de les donner comme souverainement vrais, mais je crois du moins qu’ils pourront mettre sur la voie de la vérité.


GUSTAVE PLANCHE.