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où j’écris, il ne faut pas songer à leur en parler, et pourtant Nicolas Poussin ne la dédaignait pas : c’est à elle qu’il a dû ses plus hautes conceptions. Au défaut de la philosophie, nous pouvons du moins conseiller l’étude de l’histoire générale, qui est d’un aspect moins revêche. La contemplation du passé élève l’âme et suscite en elle le sentiment de l’idéal. En voyant toutes les grandes actions accomplies par les générations qui nous ont précédés, nous apprenons à rêver, à concevoir quelque chose de supérieur à la réalité placée sous nos yeux, et ce commerce familier avec le passé éveille en nous des pensées que nous aurions toujours ignorées, si nous n’avions jamais consulté que le témoignage de nos yeux. L’histoire est pour l’idéal un puissant auxiliaire.

J’en ai dit assez pour démontrer la nécessité d’un triple enseignement à l’École des Beaux-Arts. Je voudrais, pour les trois arts du dessin, peinture, statuaire, architecture, voir les leçons techniques fortifiées, agrandies par l’histoire de ces trois formes de l’imagination. Et comme la peinture et la sculpture sont destinées à traduire des pensées, il serait opportun de réunir à l’histoire spéciale l’histoire générale. Les architectes d’ailleurs trouveraient leur profit dans cette dernière étude, puisqu’ils sont trop souvent appelés à proposer des sujets aux peintres et aux sculpteurs. Reste maintenant une dernière question, qui n’est pas moins importante que l’éducation, je veux dire la question des encouragemens.

Chez nous, l’état dépense annuellement une somme assez ronde pour l’encouragement des arts du dessin. L’emploi de cette somme ne laisse-t-il rien à désirer? Voilà ce que nous avons à examiner. Pendant un grand nombre d’années, l’administration la consacrait à l’achat de quelques tableaux que lui désignait la sympathie publique. Parfois elle ajoutait à l’achat des ouvrages applaudis la commande d’ouvrages nouveaux. C’était beaucoup sans doute, car les pays voisins n’en font pas autant; ce n’était pourtant pas assez. Enfin, éclairée par les conseils des hommes spéciaux, elle a compris l’importance de la peinture murale, et cette nouvelle direction donnée à l’art a déjà pleinement justifié les espérances conçues par ceux qui ont visité l’Italie. Je ne veux pas dire que toutes les chapelles décorées aux frais de l’état ou de la ville de Paris offrent un aspect satisfaisant : avec la meilleure volonté du monde on ne peut prononcer un tel jugement; mais parmi ces nombreux ouvrages il y en a de très recommandables, qui méritent les éloges des connaisseurs. Si les fresques de MM. Vinchon, Guillemot, Abel de Pujol, à Saint-Sulpice, excitent l’étonnement et l’hilarité, si le porche de Saint-Germain-l’Auxerrois, décoré par M. Mottez, est une enluminure d’un goût très problématique, en revanche l’abside de