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des professeurs serait accueilli par un sourire. La pratique, rien que la pratique, telle est la devise de l’enseignement pour les peintres et les sculpteurs à l’école de Paris. Non-seulement on n’exige pas des jeunes gens qui viennent s’inscrire pour suivre les leçons l’instruction élémentaire que la municipalité parisienne distribue gratuitement dans les douze arrondissemens; mais les élèves, une fois admis dans le sein de l’école, n’apprennent rien en dehors de leur métier proprement dit. Bien qu’il existe un cours d’histoire générale à l’école de Paris, l’histoire générale a le même sort que l’histoire de L’architecture; elle compte à peine quelques rares auditeurs. Tant qu’elle n’entrera pas comme un élément nécessaire dans les examens et dans les concours, il faut tenir pour certain qu’elle sera comme non avenue pour les dix-neuf vingtièmes des élèves. A cet égard, tous les hommes de bon sens se réunissent dans un avis unanime. On ne peut guère espérer que des jeunes gens qui pour la plupart n’ont pas même reçu l’éducation élémentaire sentent le besoin de connaître l’histoire générale.

Si l’on voulait organiser d’une manière complète l’enseignement des arts du dessin, il serait absolument nécessaire de le diviser en trois parties : enseignement technique, histoire spéciale, et histoire générale. Il n’y a dans ce programme rien qui relève de la fantaisie, rien qui dépasse la portée ordinaire de l’intelligence. Les élèves soumis à cette triple épreuve ne seraient pas assurés de conquérir une éclatante renommée, mais l’école aurait du moins fait pour eux tout ce qu’il est possible de faire. Les plus beaux livres du monde, je le reconnais volontiers, ne remplaceront jamais pour un peintre ou un sculpteur les conseils d’un habile praticien : il y a pour les yeux et la main une instruction toute spéciale que les leçons les plus éloquentes ne réussiront jamais à transmettre; tout cela est très vrai, très évident, je ne songe pas à le contester; néanmoins, dans la création des grands ouvrages la pensée ne joue-t-elle pas un rôle aussi actif que les yeux et la main? La routine dit : non, et le bon sens dit : oui. Trouvez un beau modèle, disent les praticiens, qui se moquent des théories, pour qui le maniement du pinceau ou de l’ébauchoir est le dernier mot de l’art, — trouvez un beau modèle, copiez-le fidèlement, et vous aurez fait un bel ouvrage. L’événement vient démentir cette promesse. Le praticien ne se tient pourtant pas pour battu : il se rejette sur l’infidélité de l’imitation, et ne veut pas accepter l’importance de la pensée. Or je crois que le plus sûr moyen de dessiller les yeux des élèves serait de leur montrer les épreuves diverses que l’art a traversées, de dérouler sous leurs yeux les années de son enfance, de sa jeunesse, de sa virilité, de sa décadence. En voyant comment la statuaire grecque s’est agrandie en passant d’Égine à