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s’être tarie. Pour établir l’affaiblissement de ces trois écoles, il n’est pas nécessaire de prodiguer les argumens. L’évidence parle trop haut pour qu’on ait besoin de lui venir en aide. L’étude même la plus rapide des œuvres qu’elles nous ont envoyées cette année prouve clairement qu’elles sont déchues. Elles le savent bien et s’en affligent. Ni Rome, ni Florence, ni Venise, ni Amsterdam, ni Anvers ne songent à comparer leur présent à leur passé. Sévères pour elles-mêmes, ces villes glorieuses rendent notre tâche plus facile. Elles ont réuni et groupé les élémens du jugement que nous avons à prononcer. Que la mode ait pris sous sa protection M. Callait, M. Kiers et M. Podesti, je n’entends pas le contester; mais en Hollande, en Belgique, en Italie, il se rencontre encore des connaisseurs qui apprécient à leur juste valeur ces favoris de la mode, qui accueillent en souriant les éloges prodigués à leurs ouvrages. Écho fidèle de leur jugement, je n’ai pas à redouter le reproche de partialité, car j’ai pris soin de juger la Belgique, la Hollande et l’Italie au nom de leur passé, sans jamais les opposer l’une à l’autre. C’était le seul moyen de rendre la justice facile.

Quant à l’Espagne, je me suis placé au même point de vue. Pour estimer la valeur de M. Madrazo, je l’ai comparé à Velasquez, et s’il a succombé dans cette épreuve, ce n’est pas à moi qu’il doit s’en prendre. Ses compatriotes sentiront qu’il n’est jamais entré dans ma pensée de déprécier une école à qui nous devons Murillo, Ribeira et Zurbaran. À l’heure où je parle, on peut dire qu’à Madrid la peinture historique n’existe pas. Le portrait, les combats de taureaux sont les seuls genres abordés par l’imagination nationale. Ce que j’ai dit de MM. Hortigosa et Ribera n’infirme pas cette triste conclusion, puisque la faveur publique s’attache à M. Madrazo.

Aujourd’hui, dans le domaine de la peinture, l’Angleterre et l’Allemagne dominent l’Espagne et l’Italie, la Belgique et la Hollande. Il me suffit de rappeler les noms de Landseer, de Cornélius, d’Overbeck. Cependant il faut bien reconnaître qu’elles n’ont retrouvé ni Reynolds, ni Wilkie, ni Holbein, ni Albert Dürer. Ces réserves faites, nous devons estimer très haut les efforts de l’Angleterre et de l’Allemagne. Il est vrai que l’école anglaise ne s’élève pas au-dessus de la peinture de genre, s’abandonne à la pure fantaisie, qu’elle paraît reculer devant la peinture historique et religieuse. Toutefois le nom de Landseer suffit à marquer son rang. L’Allemagne vit dans de plus hautes régions; elle aborde résolument les sujets les plus difficiles. Si elle ne possède pas le charme et la délicatesse d’exécution, si elle ne compte pas dans le paysage de praticien aussi habile que Stanfield, elle interroge tour à tour la tradition chrétienne, le moyen âge, l’histoire moderne. Pour effacer l’insignifiance de M. Hennsel, l’école