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fait de science économique. Chez eux, la division du travail n’existe pas. Tous font la même chose ou peu s’en faut ; ils vivent de la pêche[1]. Quant au commerce, il est à peu près nul : pommes de terre, légumes, objets manufacturés, tourbe, tout est apporté chaque semaine de Monnikendam, de Hoorn on d’Amsterdam. Il n’y a dans l’île que deux boulangers, de sorte qu’on reçoit également par eau une grande quantité de pain. Hommes, adolescens, vieillards sont presque continuellement sur la mer. Autrefois ils prenaient une part considérable à la grande pêche, mais ils y ont à peu près renoncé. En revanche, le nombre des pêcheurs de plies s’est beaucoup augmenté : à la fin du dernier siècle, il n’y avait que 18 bâtimens destinés à la pêche des plies, on en compte aujourd’hui 90[2]. Le foyer domestique, la maison intérieure, appartient à la femme ; le flibot, la maison extérieure, appartient à l’homme. Il met à soigner cette demeure flottante la même coquetterie, le même zèle que la ménagère apporte à nettoyer sa cabane. Le dimanche et les jours de fête, les bâtimens de pêche rangés dans le port semblent plutôt une flotte d’agrément, disposée pour le plaisir des yeux, qu’une flotte de travail et d’utilité. Il existe encore dans l’île quelques autres industries, mais toujours vivant de la mer. On nous a montré une fabrique de voiles ; nous avons également visité deux ateliers de charpenterie, qui servent à construire les maisons de bois, celles qui restent à terre comme celles qui vont sur l’eau. Dans un de ces ateliers, deux enfans d’une douzaine d’années s’amusaient à façonner un petit modèle de bâtiment. Ici les jeunes garçons jouent avec des flibots, comme ailleurs les petites filles avec des poupées.

Les insulaires de Marken ont adopté un costume uniforme. Les hommes portent une veste ou camisole de drap, une cravate à glands nouée négligemment, mais non sans grâce, des boutons d’or à la chemise, une culotte flottante à larges plis, des bas de laine noire et des sabots. Cet habillement, d’un style oriental, d’une forme libre et pittoresque, ressemble, au turban près, à celui des anciens mame-

  1. Il y a pourtant quelques exceptions ; la mer est bien toujours le grand chantier de travail, mais quelques marins s’engagent pendant l’été pour le transport des marchandises ; d’autres s’occupent du traînage des bâtimens qui doivent passer par-dessus le Pampus. Le Pampus est un banc de sable qui s’est formé dans le Zuiderzée, devant le port d’Amsterdam, et qui menaçait cette ville d’une destinée semblable à celle d’Enkhuisen. Par bonheur, rien n’est impossible aux Hollandais, quand il s’agit de lutter contre les obstacles de la nature. Une machine appelée chameau soulève les navires sur son dos et leur fait traverser ce désert de sable. Un tel mode de transport si pénible est d’ailleurs presque abandonné aujourd’hui. Les vaisseaux marchands entrent pour la plupart dans le port d’Amsterdam par le canal de la Nord-Hollande.
  2. Par suite de ces accroissemens, le port est devenu trop petit, et l’on est occupé à construire un second bassin, qui recevra un nombre égal de vaisseaux.