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pêche, comme une branche si précieuse du commerce national, que dans plusieurs édits elle est appelée le Pérou (de goud myn) de la république batave. Qui eût dit alors que cette industrie si florissante, que cette grande pêche (groote visscherij) dût expirer un jour sous sa renommée ? Tel est pourtant aujourd’hui l’état des choses. Mourir de gloire n’est guère pour les industries, non plus que pour les personnes, une destinée commune. Aussi convient-il de rechercher les causes d’une décadence qui ressemble si peu au déclin ordinaire des grandeurs humaines.

L’art d’encaquer le hareng a constitué jusqu’ici un monopole. Cette industrie était protégée, c’est-à-dire réglementée. L’époque de l’année où l’on devait jeter les filets dans la mer, la longueur de ces filets, le nombre des mailles[1], la forme des buizen, le jour de la sortie et de la rentrée dans le port, tout était déterminé par des lois ou par des coutumes ayant force de lois. La corporation des pêcheurs de hareng était soumise à un serment solennel ; il était interdit à tous les membres, quels qu’ils fussent, d’exercer cette industrie en pays étrangers. On devait même défendre l’accès des bâtimens-pêcheurs aux hommes des autres nations. En échange de ces obligations et de ces servitudes, la confrérie jouissait de grands privilèges. Elle seule pouvait saler et préparer le hareng à bord ; elle recevait d’ailleurs des primes d’encouragement qui étaient refusées à toutes les autres branches de la pêche. Cette sollicitude avait une raison d’être dans un temps où le secret du caquage n’était point encore divulgué. Il faut même convenir que le hareng hollandais dut à ces règlemens une partie de sa réputation. Cette denrée excellente défiait alors sur tous les marchés de l’Europe la concurrence des autres pays. Le hareng néerlandais était une véritable puissance, et l’on peut dire qu’il fit plus pour la grandeur des Provinces-Unies que le canon même des vaisseaux bataves. Cependant les temps changent, et avec eux les destinées de l’industrie. Le hareng hollandais, si haut qu’il fût placé dans les régions économiques, peut-être même à cause de cette

  1. Chaque filet neuf était visité par un compteur juré, et marqué d’un plomb portant les armes de la ville. Un collège des pêches présidait à L’exécution des lois et des règlemens. Toute cette organisation subsiste encore de fait, mais on peut dire qu’elle est détruite en principe depuis ces dernières années, car, en réduisant la prime et en annonçant l’intention de la supprimer, le gouvernement des Pays-Bas s’est engagé à détruire lui-même ce réseau de formalités qui en était la conséquence.