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ceux de Scheveningen et de Katvvijk, préparent le hareng saur (bokking haring). — Enfin les villes qui s’élèvent autour du Zuiderzée, et surtout les îles de cette mer intérieure, telles que Urk, Schokland et Marken, envoient des barques qui exploitent le hareng frais. La vie de la mer est commune à ces différentes catégories de pêcheurs, mais avec des nuances que nous tâcherons d’indiquer. Le caractère et les habitudes changent selon la figure des lieux, selon la nature des occupations, selon le séjour plus ou moins prolongé des hommes sur la mer. Ce qui ne change pas, c’est l’humble majesté de cette population brave et pauvre qui dispute aux tempêtes la nourriture de chaque jour.


I.

La petite ville de Vlaardingen (dans les anciennes chartes Flerdling) s’annonce par un clocher qui de loin ressemble assez bien à un mât de vaisseau, et qui s’élève sur un océan d’herbe tacheté de vaches noires. On assure qu’elle tire son nom d’une ancienne rivière dont il ne reste rien qu’une mention plus ou moins honorable dans les archives de la province. Aujourd’hui elle est située sur la Meuse, ou, pour mieux dire, sur un bras de la Meuse que divise en cet endroit une île récemment formée. Ses vaisseaux s’abritent dans un port tranquille, le long duquel s’alignent, sur le quai, des comptoirs ou des magasins, constructions sévères, avec des ouvertures fermées par des volets de bois, et dans lesquelles on tient en réserve les instrumens de pêche. À quelques-unes de ces fenêtres sans vitres débordent de longs filets qui sèchent. Sur le port, des hommes à la figure brunie par le vent de mer et par le soleil déchargent de lourds tonneaux qu’on roule devant les vaisseaux qui les ont apportés. Ces vaisseaux ou barques, appelés buizen ou doggers, sont solidement construits, pour la plupart en bois de chêne, avec un seul mât et une puissante voile carrée qu’on abaisse tant que le bâtiment se repose. On ne contemple point sans un sentiment de respect ces bateaux-pêcheurs qui ont bravé les tempêtes du Nord. Quelques-uns rapportent de leur dernier voyage de nobles cicatrices : leurs flancs rapiécés, leurs voiles souvent déchirées comme des drapeaux après une campagne, leurs ancres rouillées et qui annoncent des services honorables, tout raconte les défis qu’ils ont portés aux élémens.

Vlaardingen était anciennement une ville importante et fortifiée ; mais, comme toutes les villes hollandaises qui vivent de la mer, elle est aujourd’hui déchue de son antique splendeur : jam pagus est quæ Troja fuit. Dans de petites rues étroites et basses, des maisons de brique, penchées comme des vaisseaux qu’incline le vent, abritent