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connu, je crois, en France, en Angleterre plus estimé aussi qu’il n’est connu[1]. Il a publié, il y a vingt ans, un roman historique dialogué, un poème dramatique que je ne peux comparer qu’au Cromwell de M. Hugo et aux États de Blois de M. Vitet. Ce sont deux tragédies en vers, liées par le sujet, mais séparables, plus longues que la scène ne le comporte, ayant cependant les formes théâtrales, et dont Philip Van Artevelde est le titre et le héros. Cet ouvrage a donné une assez haute idée du talent de l’auteur, qui paraît aussi modeste que distingué; mais M. Taylor a peu le temps d’imprimer : il est le premier des cinq senior clerks (commis principaux) du département des colonies. Sa vie est retirée et laborieuse, et cependant, comme fruit de son expérience du maniement officiel des affaires, il a imprimé en 1836 un petit livre, intitulé l’Homme d’État, qui n’a pas été alors fort remarqué, mais qu’on a recherché depuis, et duquel on a pu tirer dans ces derniers temps nombre de citations toutes marquées au coin de l’esprit d’observation et d’un ingénieux bon sens. L’auteur écrit en réaction contre les publicistes spéculatifs, qui considèrent la société dans ses élémens, et qui ne vont guère plus loin, comme si l’on pouvait naviguer sur une rivière à sa source. L’analyse décompose dans ses principes le gouvernement libre, comme si les élémens étaient plus importans que l’ensemble; mais la manière dont le gouvernement administratif doit être exercé dans un état libre, personne ne s’en occupe. L’auteur est cependant, comme Bacon, persuadé qu’en politique les hommes pratiques (pragmatici) doivent moins ressembler à l’alouette, qui s’élève et ne sait que chanter, qu’au faucon, lequel s’élève aussi, mais rapporte une proie. Il est de l’école de Bacon, de Machiavel et de Burke, et, prenant son homme d’état pour ainsi dire au berceau, il le suit du collège au parlement, dans la vie publique et dans la vie privée, dans l’opposition et dans le pouvoir, et il lui donne pour toutes les phases de sa carrière une série de conseils où brillent l’expérience et la sagacité. On ne peut guère analyser ce livre, il est trop court, et ses trente-quatre chapitres traitent presque autant de questions détachées; mais nous devons ajouter qu’en n’attaquant aucune des bases essentielles, aucun même des usages fondamentaux du gouvernement de son pays, M. Taylor trouve à redire à la manière de le pratiquer, et oppose souvent l’un à l’autre, dans la considération du bien public, le point de vue de l’administration au point de vue du parlement.

Son vingt-deuxième chapitre a pour titre : Réforme de l’exécutif. C’est juste la question du jour. La difficulté est, selon l’auteur, de

  1. Voyez, sur les œuvres de M. Henri Taylor, la Revue du 1er décembre 1849.