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esprits, s’il était possible, une direction et un aliment, consentait à ménager provisoirement les hommes, et à porter toutes ses forces sur les questions de réforme générale.

Ces questions ont leur valeur, mais il faut qu’elles viennent à propos, et leur temps n’est point le temps de guerre. Les questions de conduite sont tout alors. Le caractère des hommes d’état, leur coup d’œil, leur prévoyance, leur activité, leur courage, voilà ce dont il faut alors s’enquérir. Si donc on voulait faire de l’opposition, on pouvait se faire rendre raison par ceux qui ont gouverné ou qui gouvernent de tout ce qui affaiblit ou suspend l’action militaire du pays, et non se jeter dans les projets et les nouveautés, à moins qu’on ne prétendît que l’Angleterre est devenue radicalement, absolument incapable de soutenir la guerre. Et dans ce cas encore on aurait eu à demander aux ministres comment ils l’ont déclarée. Ignoraient-ils l’impuissance de leur patrie, ils sont responsables de leur ignorance; n’ont-ils pas osé révéler à la nation un si triste secret, ils sont responsables de leur faiblesse. Ce sont là des suppositions extrêmes et chimériques, et qui ne peuvent convenir qu’aux déclamateurs. A mon avis, il n’y a pas en ce moment d’opposition à faire, même contre l’ancien ministère, puisqu’il est tombé. C’est lui cependant qui a engagé la guerre, c’est lui qui en a conçu le plan et préparé les moyens. Il répond de tout, et s’il est par les intentions au-dessus de l’ombre d’un reproche, on ne peut porter de sa conduite le même jugement. S’il eût été nécessaire que le comité Roebuck donnât à son examen une conclusion politique, elle aurait peut-être été sévère.

Il faudrait passer sur tout cela, si l’on ne soutenait crue tout le monde a fait son devoir, afin de prouver que les institutions ont manqué au leur, et si l’on ne risquait, en déplaçant le mal, de tromper le public anglais sur le remède. On peut accorder que tout le monde a fait son devoir, en ce sens que tout le monde a fait de son mieux; mais il n’en résulte pas que personne ne se soit trompé. Or on répond de l’erreur comme du reste.


III.

Il me siérait moins qu’à personne d’attaquer les hommes qui composaient le dernier cabinet. Il avait été appelé par la voix de la nation. Il était admirablement propre à faire le bien du pays, si la paix se fût maintenue. On lui a reproché d’être une coalition, mais cette coalition ne reposait sur le sacrifice d’aucun principe, et tel est d’ailleurs en Angleterre l’état des opinions politiques, que longtemps encore un peu de coalition sera la condition de la force et de