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tastrophes nouvelles, et cette croyance a si bien prévalu, que le vieux maréchal, malade, affaibli par l’âge, ne paraissant jamais dans les chambres, fait néanmoins à peu près tout ce qu’il veut, secondé qu’il est du reste par des hommes remarquables de son cabinet, MM. Rodrigo da Fonseca et Fontes Pereira de Mello. La mort de doña Maria pouvait avoir des conséquences plus graves encore : c’était la première transmission de la couronne après une guerre de succession. Il s’est trouvé au contraire que cette mort a rendu en quelque sorte une popularité nouvelle à la monarchie. On s’est plu à rendre justice à cette reine, qui avait vu sa couronne tour à tour usurpée par son oncle dom Miguel et menacée par les factions révolutionnaires. Le roi dom Fernando, porté tout à coup à la régence, excitait des méfiances par sa qualité d’étranger. La loyauté du régent a dissipé ces ombrages. Jeune encore, aimant les arts, désintéressé dans sa conduite, le roi dom Fernando s’est trouvé bientôt aussi populaire qu’il était suspecté auparavant. Il a trouvé en lui-même le meilleur moyen de désarmer tous les partis, c’est de ne point tenir à sa position et de convaincre tout le monde qu’il ne gardait l’autorité souveraine que par devoir. Bien loin de se mettre en lutte avec les chambres ou avec son ministère et d’aller au-devant des difficultés, le régent s’est appliqué à les éviter, à calmer les passions, à raffermir la paix publique, pour laisser à son fils une situation régulière et libre. Il y a réussi, et il a pu se rendre cette justice en descendant du pouvoir.

Maintenant le poids du gouvernement repose sur dom Pedro V. Le premier acte du jeune roi a été de confirmer dans ses fonctions le cabinet du duc de Saldanha, déjà maintenu par le régent à la mort de doña Maria. Un des caractères de ce commencement de règne, c’est l’extrême confiance qu’il inspire. Peut-être même y a-t-il la part de l’illusion, car on ne peut se dissimuler que le jeune souverain portugais aura de singuliers obstacles à surmonter. Ces obstacles naissent d’un délabrement assez général, fruit de causes héréditaires et de révolutions accumulées. Seulement, et c’est là le côté favorable, les passions des partis semblent s’assoupir aujourd’hui, et faire place à un goût très vif pour toutes les améliorations sérieuses et positives. Si le Portugal n’est plus ce petit pays qui envoyait partout des navigateurs audacieux et des conquérans, il a encore en lui-même assez de ressources pour reprendre un certain rang. Qu’on voie se réaliser le double projet de chemin de fer qui doit relier la frontière française à Madrid, Madrid à Lisbonne, et la capitale portugaise peut devenir un des grands ports européens. Dans l’ordre politique comme dans l’ordre matériel, travailler à rajeunir le Portugal, c’est l’œuvre difficile du règne qui commence.

Qu’on passe de l’Europe à l’Amérique du Sud, ce n’est pas seulement ici un monde nouveau, un nouvel hémisphère : c’est aussi un autre ordre de phénomènes et d’événemens politiques ; des révolutions qui se nouent ou se dénouent, des insurrections qui éclatent, des dictatures qui s’élèvent ou disparaissent, voilà jusqu’ici, il faut le dire, la seule histoire de ces populations, disséminées sur un continent qu’elles n’occupent et n’animent que par leurs discordes. Parmi ces républiques sud-américaines, la Bolivie est peut-être une des moins connues. L’élection d’un nouveau président vient d’avoir lieu, et si l’événement s’est accompli régulièrement en apparence, il ne laisse