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en majorité de députés favorables à la politique du gouvernement. C’est la même opinion qui a prévalu également dans le choix d’un président de la chambre. M. Gevers van Endegeest a été porté en première ligne sur la liste de candidature soumise au roi, bien qu’on lui opposât M. Strens, ancien ministre de la justice dans le cabinet de M. Thorbecke. La chambre se trouve donc prête aujourd’hui à aborder les véritables travaux de la session, et ces travaux ont quelque importance. De ce nombre est une loi qui doit régler l’abolition de l’esclavage, et dont le roi fait pressentir la présentation dans son discours. Il reste encore à élaborer un certain nombre de lois organiques pour assurer la complète exécution de l’article additionnel de la loi fondamentale. Dans ces grandes mesures mûrement préparées, la constitution ne peut que trouver un élément de force et de durée.

Le roi dans son discours indiquait d’une façon générale la situation favorable des finances ; cette situation a été pleinement exposée depuis par le ministère, et les améliorations qu’elle révèle ne font que justifier les paroles du souverain. L’exercice de 1853 présentait un boni de 5 millions de florins ; ce boni a été en 1854 de plus de 7 millions. L’année courante parait devoir offrir les mêmes résultats. De cet état de prospérité financière naît la possibilité de continuer l’amortissement de la dette publique, et cet amortissement graduel contribue à diminuer les dépenses par la réduction des intérêts à payer. La diminution obtenue par suite des amortisse mens opérés depuis 1850 s’élève annuellement à plus de 1,600,000 florins. La discussion du prochain budget soulèvera sans doute d’assez graves questions, d’autant plus qu’en présence de l’abolition des droits de mouture et de tonnage, prononcée l’an dernier, le gouvernement demande comme équivalent une légère augmentation de divers autres droits. Quoi qu’il en soit de ces projets, la session législative qui vient de commencer ne peut qu’y trouver l’aliment de discussions sérieuses et profitables pour le pays. C’est ce genre de travaux qui convient à l’esprit et au caractère de ce peuple sensé et modéré. La Hollande n’est pas seulement pratique par essence, elle a d’habitude peu le goût des excès et des exclusions en politique. Elle vient d’en donner un exemple récemment encore. Un homme éminent, le chef du parti protestant, qui s’appelle aussi anti-révolutionnaire. M. Groen van Prinsterer, avait été écarté de la représentation nationale aux élections dernières. La ville de La Haye vient de le nommer député. Ce n’est point peut-être par une vive sympathie pour ses opinions que les électeurs l’ont élu ; ce serait plutôt par antipathie pour les libéraux avancés, dont M. Thorbecke est le chef, et aussi pour rendre sa place dans la vie politique à un homme considérable, afin que toutes les opinions aient leurs chefs les plus autorisés dans la représentation nationale. On aime ainsi en Hollande un juste équilibre de forces, et n’est-ce point là une garantie de sincérité et de durée pour un régime constitutionnel dont l’essence est de faire appel à toutes les opinions et de ne laisser à aucune le droit de méconnaître la puissance de la loi ?

C’est récemment aussi que s’est accompli à Lisbonne ce sérieux événement de la prise de possession du pouvoir par le jeune roi de Portugal. Dom Pedro V est né le 16 septembre 1837. Il est le petit-fils de l’empereur dom Pedro, qui réunit un moment les deux couronnes du Brésil et du Portugal,