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tant de commissions locales aient partout un égal zèle, qu’elles comprennent également et interprètent dans le même sens les questions posées, qu’elles fournissent des élémens homogènes pour la préparation du tableau qui doit contenir le total de leurs calculs et représenter une statistique générale? Quant au contrôle successif des sous-préfectures et des préfectures, il ne suffit pas, à coup sûr, pour redresser les mille erreurs de détail qui, se multipliant par le nombre des commissions, finissent par former une énorme erreur, ni pour maintenir l’harmonie entre tant de chiffres. On est donc en droit de douter dès à présent de l’efficacité du mode établi en 1852. On a prévu, il est vrai, le cas où la commission locale ne pourrait pas être instituée dans de bonnes conditions : on la remplacerait par des agens salariés; mais ne serait-il pas à craindre que l’emploi simultané de deux catégories de statisticiens ne compromit singulièrement l’homogénéité du travail?

Il faut regretter que les représentans de l’Angleterre au sein du congres n’aient point pris part à la discussion, et qu’ils n’aient pas fait connaître les efforts tentés dans leur pays pour fonder la statistique agricole. Pendant la dernière session du parlement, un comité de la chambre des lords a été chargé d’étudier particulièrement cette question; son rapport, déposé vers la fin de juillet, est imprimé dans un blue-book qui contient l’interrogatoire des témoins entendus dans le cours de l’enquête. Il y a longtemps déjà que les Anglais ont compris l’importance de la statistique appliquée à l’agriculture. Avant d’adopter un système, ils ont fait des expériences : en 1831, en 1836, en 1845, des essais partiels ont été tentés dans quelques districts des trois royaumes, et en 1847 le gouvernement proposa un but pour rendre obligatoire la statistique agricole dans les comtés de l’Angleterre et du pays de Galles. D’après ce bill, tout individu cultivant plus de 3 acres devait être tenu, sous peine d’amende, de fournir les renseignemens qui lui seraient demandés par les agens de l’état civil, et de les transmettre à ceux-ci par l’intermédiaire de contrôleurs spéciaux, nommés pour chaque district et salariés. La direction supérieure et la centralisation du travail étaient dévolues au ministère du commerce (Board of Trade). — Le bill de 1847 fut retiré avant la seconde lecture, mais on poursuivit les expériences. En 1853, un crédit de 50,000 francs, et en 1854 un second crédit s’élevant à 250,000 francs, furent affectés par le gouvernement à la rédaction d’une statistique comprenant, d’une part, 11 comtés de l’Angleterre et du pays de Galles, d’autre part l’Ecosse entière. L’épreuve fut jugée décisive. Le comité de la chambre des lords put apprécier à la fois les résultats obtenus et les divers modes employés pour l’exécution : il put faire comparaître devant lui les fonctionnaires et les particuliers qui avaient concouru au travail, les fermiers dont il était si essentiel de connaître les impressions sur l’utilité et l’application pratique de la mesure. Le gouvernement n’avait pas hésité à dépenser, en deux années seulement, 300,000 francs pour expérimenter les différens systèmes pendant qu’il consacrait ainsi à de simples essais les fonds de l’échiquier, les économistes, les négocians et les fermiers eux-mêmes, voyant qu’sait d’un projet sérieux, se livraient de leur côté à d’utiles investigations pour découvrir le meilleur plan de statistique agricole. C’est en présence ses renseignemens qui lui sont arrivés de toutes parts et qui se retrouvent dans un blue-book, c’est à la suite d’expériences répétées, que la