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s’étendent du sud-est au nord-ouest, et vont se rattacher à celles d’Ouderna de la régence de Tunis. Cette chaîne se divise en trois districts. Le plus occidental s’appelle proprement le Djebel (la montagne); on appelle Gharian celui du milieu, et Binbelad (les mille villages, expression qu’il ne faudrait pas prendre à la lettre) le plus voisin de la Grande-Syrte. Cette chaîne, peu élevée et couronnée par un vaste plateau, présente un aspect assez uniforme : c’est une suite de petites vallées débouchant dans la plaine, ayant pour la plupart, sur les hauteurs qui en dominent l’entrée, des villages ou des hameaux[1].

Le Djebel est un district riche et bien peuplé, fertile en oliviers et produisant des céréales, de l’orge surtout. Les habitans de cette contrée sont de la secte des khouamès ou quinquistes, qui, placés entre les chiites et les sunnites, rejettent tout aussi bien Ali que les trois premiers califes, et ne commencent qu’au cinquième, dont la légitimité n’est contestée par personne, la série de l’imamat. Cette secte, à laquelle appartiennent aussi les habitans de l’île tunisienne de Djerbah et les Mezabites de l’Algérie, n’a pas fait grande fortune dans le monde musulman, où elle est assez peu répandue. Elle a eu le sort de tous les tiers-partis, celui de tous les hommes modérés qui, comme Érasme au temps de la réforme, veulent s’interposer entre les extrêmes, et que presque personne n’écoute, parce qu’ils ont la simplicité de vouloir que la raison conduise les hommes, tandis qu’elle n’a de puissance que pour les forcer de reconnaître quelquefois les sottises qu’ils ont faites, et presque toujours lorsqu’il n’y a plus de remède. Les khouamès sont maintenant moins connus du vulgaire par la manière dont ils ont tranché la question des califes que par l’usage qu’ils ont de se dépouiller, pour prier Dieu, de ce vêtement qu’on ne saurait nommer devant une dame anglaise sans faire naître en elle une pudique horreur.

Le district de Gharian, à deux journées et tout à fait au sud de Tripoli, est moins considérable que celui dont nous venons de nous occuper; mais c’est absolument la même nature de sol, et les villages, disposés de la même manière, n’y sont pas moins nombreux. Les principaux sont Beni-Abbès et Taasat, auprès du château de Gharian, qui a donné son nom à la contrée. Des montagnes de Gharian se détache vers le nord-est, à peu près dans la direction de Lebda, un éperon ou contrefort qui forme le canton de Takhouna avec un village du même nom. Un peu plus à l’est est le canton de

  1. Les principaux sont de l’ouest à l’est, dans le district du Djebel, El-Haouamed, Nalout, Cabaou, Haraba, El-Rahibat, Ksar-Djadou, principale localité de la tribu de Fessatou, qui compte, dit-on, deux mille guerriers, — Rodjebane, Ifren, résidence du kaïmacan avec un château turc et une petite garnison.