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le secours de la diabétique. Il règne dans ces trois tableaux, traités d’ailleurs avec une remarquable habileté, une déplorable monotonie, qui in-dépend pas du maniement du pinceau, mais de la nature même du but que l’auteur voulait toucher : trois effets de lampe, et j’emprunte ici l’expression de l’autour, ne sauraient offrir une grande variété. On aura beau changer la position du réflecteur, on n’obtiendra jamais de l’huile et du coton ce qu’on obtient du soleil. Si M. Kiers veut convaincre les plus incrédules et prouver qu’il appartient à la famille de Rembrandt, il fera bien de chercher une autre voie. Ce n’est pas que je lui conseille de recommencer toutes les tentatives menées à bonne fin par le chef de l’école hollandaise. A Dieu ne plaise! ce serait lui tendre un piège perfide : il doit du moins renoncer aux effets de lampe et chercher des effets de soleil.

M. Johannes-Hubertus-Leonardus de Haas, d’Oosterbeck, a trouvé sur les bords du Rhin le sujet d’un charmant paysage. On pourrait certainement souhaiter plus de solidité dans les terrains sans se montrer trop sévère; mais à tout prendre c’est une toile pleine de fraîcheur et de grâce. Je trouve dans cette composition le sentiment vrai de la nature et une dextérité qui révèle des études courageuses.

MM. Calame et Diday ont dignement soutenu leur réputation. Il y a décidément en Suisse une école de paysagistes qui mérite l’attention de l’Europe. Dans le tableau que M. Diday appelle Souvenir de l’Oberland, il y a des morceaux très bien exécutés; mais la toile tout entière manque d’air. Les arbres du premier plan se profilent sur les montagnes comme des feuilles de papier découpées. Cette absence de perspective aérienne diminue singulièrement le mérite de la composition. Le Lac des quatre cantons, de M. Calame, me paraît très supérieur au Souvenir de l’Oberland. L’élève a surpassé son maître. Ce n’est pas que je déclare le tableau de M. Calame à l’abri de tout reproche; mais l’eau et les montagnes sont admirablement rendues, et ce mérite suffit à justifier nos louanges. Une chose pourtant me frappe dans ce paysage, d’ailleurs si plein de majesté. L’air ne manque pas, on sent que dans cette enceinte de montagnes on peut respirer à pleins poumons; mais on se demande comment avec de telles lignes l’auteur n’a pas obtenu un effet plus puissant. La majesté dont je parlais tout à l’heure se trouve tout entière dans la forme des montagnes; elle serait plus imposante encore, si l’espace était agrandi. Je sais que MM. Calame et Diday sont des observateurs attentifs: comment se fait-il donc qu’en peignant le paysage helvétique, ils demeurent toujours au-dessous du modèle qu’ils ont choisi? Ce n’est pas le talent qui leur manque: mais ils veulent rendre à tout prix ce qu’ils voient et ne comprennent pas la nécessité