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de donner des lois à Cyrène. Dans cette période de leur histoire, les Cyrénéens furent très puissans et très heureux. Après la grande commotion donnée au monde par Alexandre, la Cyrénaïque passa sous la domination des Ptolémées. Ptolémée Physcon en fit l’apanage de son fils cadet, Apion, qui en mourant la donna par testament au peuple romain. Celui-ci affecta de ne pas vouloir de la succession, et rendit d’abord à la Cyrénaïque sa liberté républicaine et son indépendance politique; mais plus tard il crut s’apercevoir que l’anarchie s’était emparée du pays, qui ne savait plus faire usage de son libre arbitre, de sorte que par amour de l’ordre il se résigna philanthropiquement à l’absorber. La Cyrénaïque resta sous la domination romaine jusqu’à la conquête des Arabes. Dans cette longue suite de siècles de civilisation grecque et romaine, elle se fit remarquer par ses richesses et son industriel aussi bien que par son goût des arts et des choses de l’esprit. Parmi ses plus illustres enfans, on doit citer le philosophe Aristippe, le poète Callimaque et l’évêque Synésius, tout à la fois philosophe et poète, une des plus suaves figures de la belle époque du christianisme.

Quoiqu’il y eût un grand nombre de villes dans la Cyrénaïque, on en distinguait surtout cinq, ce qui fait souvent désigner cette contrée sous le nom de pentapole. Ces villes étaient Cyrène, Apollonie, Ptolémaïs, Arsinoé et Bérénice. On trouve les ruines de Cyrène à droite de la route que suivent le plus habituellement les caravanes qui vont de Derna à Bengazi, et à quelques lieues de la mer. Son port était Apollonie, appelée actuellement Sousa, dont les ruines sont considérables. Bérénice est la Bengazi moderne. Ptolémaïs et Arsinoé étaient situées sur le littoral entre Apollonie et Bérénice. Les ruines de la première portent le nom de Tolometta, celles de la seconde celui de Teukria, qui était le nom lybien de la ville que les Grecs appelèrent Arsinoé. Dernis et Barca étaient encore des villes très considérables de la Cyrénaïque. La première est aujourd’hui Derna. La seconde, dont il ne reste plus que des ruines, fut quelque temps la rivale de Cyrène, et partagea avec elle la gloire de donner son nom à la contrée, qu’on appelle souvent pays de Barca.

Les ruines éparses sur le sol de la pentapole sont nombreuses et considérables, surtout à Djerana, qui occupe l’emplacement de l’antique Cyrène; mais comme si cette contrée, où le cyprès abonde, conservait mieux les souvenirs de mort que ceux de ses anciennes voluptés, ce sont principalement des tombeaux et des hypogées qu’on y trouve. Ces galeries souterraines, creusées dans les flancs des ravins, présentent généralement de belles façades taillées dans le roc vif. Il y existe de nombreuses inscriptions. Les ruines de la Cyrénaïque ont été bien étudiées dans ce siècle par le docteur Della Cella,