légèrement serait commettre une véritable impiété envers ces noms glorieux. Quoique ces deux écoles soient aujourd’hui bien déchues de leur ancienne splendeur, elles ont pourtant conservé avec un soin scrupuleux quelques procédés techniques dont la valeur ne saurait être méconnue; elles n’ont pas trouvé moyen de ressusciter ou de continuer Rubens et Rembrandt, mais elles savent imiter le ton de leurs ouvrages. On dirait, pour me servir d’une expression vulgaire, qu’elles ont trouvé dans les papiers de leur succession quelque recette de famille dont elles n’ont pas divulgué le secret. Imiter avec adresse, reproduire avec bonheur les tons de Rubens et de Rembrandt, c’est trop peu sans doute pour attirer les regards de la postérité, mais c’en est assez pour occuper la génération présente, car il n’est pas sans intérêt de rechercher pourquoi les descendans de Rubens et de Rembrandt ont perdu l’inspiration de leurs ancêtres en conservant leurs procédés; je dis rechercher, il n’est pas facile en effet de trouver une solution.
Parmi les ouvrages envoyés par l’école espagnole, ceux qui attirent les regards de la foule sont les portraits de M. Federico Madrazo. L’engouement de la foule est-il justifié par l’examen attentif de ces portraits? Il faudrait méconnaître absolument toutes les lois de la peinture pour l’accepter et le déclarer légitime. Il est évident que M. Madrazo jouit dans son pays d’une grande autorité; les plus grands noms se pressent dans son atelier et attendent leur tour. La reine et le roi d’Espagne, la duchesse d’Albe, la duchesse de Séville, la duchesse de Medina-Cœli ont tour à tour posé devant lui. Qu’a-t-il fait de ces modèles? Ce que peut faire un peintre qui sacrifie l’effet, la forme du visage et du corps, à la splendeur des étoffes. Je ne veux parler ni de la reine Isabelle, ni de son mari don Francisco, qui n’offrent pas au pinceau d’abondantes ressources: ce serait me montrer trop sévère à l’égard de M. Madrazo que de lui demander pourquoi il n’a pas fait du roi et de la reine d’Espagne deux portraits magnifiques; mais parmi les femmes de la cour qui ont posé devant lui, il y en a de charmantes, qui tenteraient à bon droit le pinceau le plus habile, et quel parti en a-t-il tiré? Hélas! j’ai regret à le dire : s’il n’a pas réussi complètement à supprimer leur beauté, il a du moins prouvé qu’il ne prend aucun souci du masque humain. La duchesse de Medina-Cœli entre les mains de Murillo ou de Velasquez nous eût offert le type accompli de l’élégance et de la grâce. Qu’est-elle devenue entre les mains de M. Madrazo? Je suis vraiment embarrassé de le dire. La tête n’est pas modelée : ni tempes, ni orbites, ni pommettes; les yeux mêmes n’ont pas une forme qui leur permette de voir. Ce qui paraît avoir absorbé tous les soins, toute la sollicitude de l’auteur, c’est l’étoffe de la robe. Peut-être