Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la portée de leur enseignement et sur la valeur de leurs œuvres. La première de toutes les écoles sans contredit, l’école italienne, est dignement représentée dans la galerie du Louvre. Je dis la première, puisque l’école grecque nous fait défaut, car, d’après les débris de la statuaire, nous sommes fondés à croire que la Grèce, institutrice de l’Italie, dominait son élève dans le maniement du pinceau comme dans le maniement du ciseau. Les Noces Aldobrandines, trouvées à quelques lieues de Rome dans les fouilles de Frascati, et qui se voient maintenant au musée du Vatican, démontrent surabondamment la légitimité de cette assertion, et sans doute Nicolas Poussin était de cet avis quand il faisait de cette belle composition l’admirable copie qui décore la galerie Doria. Toutefois, si l’Italie ne vient qu’après la Grèce dans les arts du dessin comme dans la poésie, elle domine toutes les nations modernes dans la peinture et la statuaire. Essayer de le prouver serait jeter ses paroles au vent et gaspiller son temps : il y a des vérités tellement évidentes, qu’elles s’imposent sans le secours de la démonstration.

Quant à l’Espagne, quoique son rang ne soit pas aussi clairement établi que celui de l’Italie, il suffit de citer les noms de Murillo, de Velasquez et de Ribeira. Pour estimer la valeur de ces trois maîtres, nous n’avons pas besoin de franchir les Pyrénées. Nous avons sous la main de quoi déterminer la place qui leur appartient. L’Adoration des Bergers, de Ribeira, est un des plus beaux ouvrages qui soient sortis de sa main; le portrait de l’infante, de Velasquez, est une perle dont tous les connaisseurs louent à l’envi la pureté. Nous possédons deux morceaux de Murillo, une Vierge, qui figure depuis longtemps dans la grande galerie, et qui ravit tous les yeux par son exquise élégance. L’Assomption, du même auteur, acquise il y a quelques années à la vente du maréchal Soult pour la somme fabuleuse de 615,300 francs, ne vaut pas, à mon avis, le précédent morceau, car elle a subi de nombreuses retouches, et lorsqu’il s’agit d’un maître tel que Murillo, la virginité de l’œuvre n’est pas à dédaigner.

Ai-je besoin de rappeler les titres esthétiques de l’école flamande et de l’école hollandaise? Ne sont-ils pas représentés par deux noms illustres qui se placent immédiatement après les plus grands de l’Italie? Si Rubens et Rembrandt ne signifient pas la grâce, la pureté, ils signifient la puissance, la vérité, la magie du pinceau. Deux écoles représentées dans le passé par de tels noms ont droit à l’attention la plus vigilante. Qu’elles aient dégénéré, qu’elles se soient montrées infidèles à leurs antécédens, qu’elles ne puissent pas aujourd’hui nous donner la monnaie de ces deux grands hommes, je n’essaierai pas de le contester; mais les efforts de deux nations qui ont de tels aïeux commandent toujours le respect et la sympathie. En parler