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successeurs de Chalais. Beaupuis et Alexandre de Campion approuvèrent le complot qui leur fut communiqué, « le premier, dit Henri, croyant que c’était pour lui le chemin d’arriver à de plus grandes charges, et mon frère y voyant l’avantage de Mme de Chevreuse et par conséquent le sien. »

Tels furent les deux premiers complices de Beaufort. Un peu plus tard, il s’ouvrit à Henri de Campion, un de ses principaux gentilshommes, à Lié, capitaine de ses gardes, et à Brillet, son écuyer. Là s’arrêta la conspiration. Bien d’autres gentilshommes de la maison de Vendôme devaient participer à l’action, mais ne reçurent aucune confidence ; de ce nombre étaient deux officiers, alors sans importance, Vaumorin et Ganseville, qui depuis pendant la fronde ont très bien pu dire à Retz, comme celui-ci le rapporte, qu’il n’y avait pas eu de complot, car ils l’ignoraient entièrement. L’affaire était bien conçue et digne de Mme de Chevreuse. Il y avait à peine cinq ou six conjurés, très capables de garder le secret, et qui le gardèrent. Au-dessous d’eux, des hommes d’action qui ne savaient pas ce qu’ils devaient faire, et par derrière, les hommes du lendemain, sur lesquels on comptait pour applaudir au coup, quand il aurait été fait, sans qu’on eût jugé à propos de les avertir.

Le plan était d’attaquer le cardinal dans la rue, pendant qu’il faisait des visites en voiture, n’ayant d’ordinaire avec lui que quelques ecclésiastiques, avec cinq ou six laquais. On devait se présenter en force et à l’improviste, faire arrêter le carrosse et frapper Mazarin. Pour cela, il fallait qu’un certain nombre de domestiques de la maison de Vendôme, qui n’étaient pas dans la confidence, se trouvassent tous les jours, dès le matin, dans des cabarets autour de la demeure du cardinal, qui était alors à l’hôtel de Clèves, près du Louvre. On donnait ce prétexte que, les Condé se proposant de faire affront à Mme de Montbazon, le duc de Beaufort, pour s’y opposer, voulait avoir sous la main une troupe de gentilshommes à cheval et armés. Les rôles étaient d’avance distribués. Ceux-ci devaient arrêter le cocher du cardinal, ceux-là devaient ouvrir les deux portières et le frapper, pendant que le duc serait là à cheval, avec Beaupuis, Henri de Campion et d’autres pour combattre et dissiper ceux qui tenteraient de résister. Alexandre de Campion resta auprès de la duchesse de Chevreuse et à ses ordres, et elle-même devait plus que jamais être assidue auprès de la reine pour préparer les voies à ses amis, et, en cas de succès, entraîner la régente du côté des victorieux.

Plusieurs occasions favorables d’exécuter ce plan se présentèrent. Une première fois, Henri de Campion, étant avec son monde dans la petite rue du Champ-Fleuri, dont une extrémité donne dans la rue