croire[1]. » Il l’avait toujours soupçonnée d’être en relation avec l’Espagne et sous l’empire de Mme de Chevreuse. Il voulait l’exclure de la régence ainsi que son frère, le duc d’Orléans, qu’il n’estimait ni n’aimait. Mazarin eut grand’peine à lui faire comprendre qu’il était impossible de priver la reine du titre de régente, et que tout ce qu’on pouvait faire était de lui ôter toute influence, à l’aide d’un conseil fortement constitué dont elle serait obligée de suivre les avis en se conformant à la majorité des voix. Anne subit sans murmure ces dures et humiliantes conditions ; elle reconnut la déclaration royale du 20 avril, qui resserrait son autorité dans des bornes fort étroites, et consacrait l’exil de Châteauneuf et de Mme de Chevreuse. Elle la signa et s’engagea à la maintenir. Après tout, elle était en possession de la régence, et comme elle la devait à la combinaison même qui limitait son pouvoir, loin de savoir mauvais gré de cette combinaison à celui qui en était l’auteur, elle la regarda comme un premier service qui méritait quelque reconnaissance. Voilà ce que n’ont pas vu la plupart des historiens, mais ce qui n’a pas échappé à la pénétration de La Rochefoucauld, mêlé à toutes les intrigues de ce moment. « Le cardinal Mazarin, dit-il, justifia en quelque sorte cette déclaration injurieuse ; il la fit passer comme un service important qu’il rendoit à la reine, et comme le seul moyen qui pouvoit faire consentir le roi à la régence. Il lui fit voir qu’il lui importoit peu à quelles conditions elle la reçût, pourvu que ce fût du consentement du roi, et qu’elle ne manquerait pas de moyens dans la suite pour affermir son pouvoir et gouverner seule. Ces raisons, appuyées de quelques apparences et de toute l’industrie du cardinal, étoient reçues de la reine avec d’autant plus de facilité, que celui qui les disoit commençoit à ne lui être pas désagréable. »
Mazarin en effet n’avait jamais été pour rien dans les déplaisirs que la reine avait essuyés : elle n’avait donc aucune raison d’être contre lui, sinon qu’il avait été un des amis particuliers de Richelieu ; mais il n’avait aucune des manières du cardinal, il avait pris part au rappel de bien des exilés, et défendu la régence de la reine contre les ombrages du roi. Sa capacité était éprouvée, et Anne, avec sa paresse et son inexpérience, au début d’un règne qu’environnaient de toutes parts, au dedans et au dehors, les plus grandes difficultés, avait besoin de quelqu’un qui lui laissât l’honneur de l’autorité suprême, mais qui se chargera du poids des affaires, et en regardant parmi ses amis elle n’en voyait aucun dont les talens fussent assez certains pour emporter sa confiance. Elle faisait grand cas de l’esprit et des manières de La Rochefoucauld, mais elle ne pouvait songer à
- ↑ La Rochefoucauld, Mémoires, p.369.