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distinctif de son invention est de reporter sur les roues du tender une partie du poids de la machine, afin d’obtenir une plus grande adhérence sans fatiguer la voie par une surcharge sur le même point. Deux machines conçues d’après ce système ont été exécutées sur les plans de l’ingénieur autrichien, l’une en France, au Creuzot, l’autre en Belgique, dans les ateliers de Seraing ; elles figuraient toutes deux à l’exposition. Cette combinaison répondait à un besoin, et les circonstances expliquent qu’elle nous soit venue d’Autriche. Entre Vienne et Trieste s’étend un chemin de fer qui gravit les Alpes noriques par une rampe à forte inclinaison ; pour la franchir, les locomotives ordinaires n’eussent pas suffi ; il fallait à la fois diminuer le poids de l’appareil, augmenter les surfaces de chauffe et par suite la puissance de la vapeur. C’est à ces trois conditions que M. Engerth s’est proposé de satisfaire, en incorporant pour ainsi dire le tender avec la machine. Cette disposition permettait de répartir le poids du système sur six paires de roues, ce qui fait que la charge de chaque essieu n’est pas plus élevée que dans les machines ordinaires.

Ici pourtant une difficulté se présentait : la longueur des deux pièces réunies, machine et tender, atteignait de telles proportions, que la manœuvre de la locomotive eût présenté de grandes difficultés et certainement des dangers dans les courbes à petit rayon, très fréquentes sur ces lignes de montagnes. Pour obvier à cet inconvénient, M. Engerth a imaginé une disposition ingénieuse qui permet et réalise l’articulation vers le milieu de la longueur, et enlève à l’ensemble du système les inconvéniens de la rigidité. Cependant, pour qu’il fût entièrement efficace, il fallait autre chose encore : il fallait pouvoir relier les roues du tender aux roues couplées de la machine, à celles qui donnent le mouvement. Dans la machine exécutée au Creuzot, cette condition n’est pas remplie, et la combinaison manque ainsi d’unité. La machine construite dans les ateliers de Seraing est plus complète sous ce rapport, et une solution y est fournie. Trois roues d’engrenage, en acier fondu, y transmettent le mouvement au premier essieu du tender. Des personnes versées dans l’industrie conservent pourtant quelques doutes sur la valeur de ce moyen, et craignent qu’à l’usage plus d’un mécompte ne s’ensuive. À la vitesse ordinaire des trains de marchandises auxquels les deux machines sont destinées, ces roues dentées seront animées d’une vitesse rotative de 4,000 toises par minute environ ; or, pour peu qu’on ait l’expérience de la mécanique, non pas telle qu’on l’enseigne dans les livres, mais telle qu’on l’observe sur le terrain, il est évident que ces engrenages ne résisteront pas longtemps, et donneront lieu à des embarras sans nombre. On assure même que