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le plus irréfléchi, c’était là une déperdition de temps et de forces. De ces deux mouvemens, aller et retour, il n’y en avait qu’un de profitable ; l’autre n’était qu’un intermède, une trêve dans le travail accompli, ou, si l’on veut, un élan avant de fournir une course nouvelle. On eût dit que la machine inanimée avait besoin de reprendre haleine après chacune de ses évolutions. Or ce n’était là qu’une méthode rudimentaire, et l’expérience l’a bien prouvé. Toutes les fois que le hasard, l’occasion, la nécessité, ont amené une industrie à renoncer au mouvement alternatif pour recourir au mouvement circulaire, les bénéfices de ce dernier moyen ont été si patens, si avérés, que d’essai en essai on l’a étendu à toutes les machines qui sont susceptibles d’en recevoir l’application ; peu à peu, de proche en proche, ce qui n’était qu’un pressentiment est devenu un fait général. De là les cylindres qui servent à l’impression des indiennes ou au cardage de la laine et du coton, les tambours, les tours, les bobines, la scie circulaire et tous les appareils qui président à un travail sans discontinuité. Même en chimie, le principe a trouvé à s’appliquer utilement, C’est à l’aide du mouvement circulaire que s’accomplissent aujourd’hui les opérations du raffinage et de la cristallisation des sucres. Partout où l’épreuve a été faite, les résultats ont montré la même conformité. On pourrait donc affirmer dès aujourd’hui qu’en mécanique c’est là une loi constante et qui souffrira peu d’exceptions. Que de lois d’ailleurs, tout aussi fécondes, attendent qu’on les tire de leur sommeil ! Combien nous sommes en retard, même là où nous nous croyons le plus habiles ! La force de la vapeur, par exemple, telle qu’elle s’exerce dans les meilleurs appareils, est-il raisonnable de penser qu’elle se dissipera toujours comme elle le fait ? Trois quarts d’effet perdu, un quart d’effet utile, est-ce donc le dernier mot du génie humain ?

Nous voici arrivés aux grandes machines, aux machines à eau et à feu : l’exposition en offrait plusieurs qui sont dignes de mention. Pas un fabricant anglais ne figure sur la liste des médailles d’honneur, c’est dire qu’ils se sont tenus à l’écart ; le débat est resté entre la France, l’Allemagne et la Belgique. Sur les moteurs à eau, il y a peu de remarques à faire. M. Fourneyron, qui a donné son nom à la turbine et veille sur elle avec un soin paternel, n’a pas voulu rester en arrière de perfectionnemens, et a produit un nouveau modèle qui n’est que la reproduction améliorée de ceux qui lui ont valu une réputation bien établie et bien méritée. D’autres fabricans ont exposé des turbines qui ne diffèrent que par un petit nombre de détails. Ainsi M. Flageollet de Vagney a une roue en dessous, sans tête d’eau et à suspension, qui peut dépenser des volumes d’eau variables, et qui, émergée ou immergée, n’éprouve pas de pertes sensibles dans