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Le même esprit d’invention se retrouve pour le lavage de la houille, qui jusqu’ici avait lieu à la main et à l’aide de procédés imparfaits. C’est à M. Bérard que l’on doit le premier appareil mécanique employé à cet usage : sa découverte avait frappé le jury de Londres, et la grande médaille lui avait été décernée ; moins heureux cette fois, il n’est qu’en seconde ligne dans l’ordre des récompenses, et c’est à regretter. Son ingénieux et vaste appareil méritait le premier rang : il sépare avec une précision et une rapidité merveilleuses la houille des corps étrangers qu’elle renferme, les schistes, les sulfures de fer, sans employer pour cela d’autre élément que les différences de pesanteur spécifique qui existent entre la substance pure et les substances qui y sont mélangées. Par une simple agitation et à l’aide d’une balance hydrostatique, les schistes et les sulfures se déversent dans le wagon de décharge, tandis que le charbon lavé et réduit se rend de lui-même dans le wagon destiné à le recevoir. On amène ainsi à l’état d’épuration jusqu’à 200,000 kilogrammes de houille par journée, et avec une dépense qui n’excède pas celle d’un chargement à la pelle.

En métallurgie, les inventions sont nombreuses et les perfectionnemens encore plus ; mais là surtout l’industrie anglaise n’a pas donné la mesure de sa force et a témoigné un certain éloignement. À peine citerait-on quelques établissemens qui aient consenti à se mettre en ligne, et en limitant l’épreuve à des travaux d’exception. Cette réserve est fâcheuse et on ne sait à quoi l’imputer. Que nos fabricans de fer ne soient pas allés à Londres, cela se conçoit : ils n’avaient qu’une médiocre figure à y faire ; mais les fabricans anglais ne pouvaient avoir les mêmes motifs de redouter un rapprochement ; ce n’est pas la conscience de leur supériorité qui leur manque. Est-ce fierté ? est-ce dédain ? est-ce un système de ménagement ? sont-ce des représailles ? A quelle cause qu’il faille attribuer cette abstention, elle, nous a enlevé, pour la métallurgie, de précieux élémens de comparaison. Il eût été utile, si ce n’est pour des manufacturiers qui s’abritent dans leurs privilèges comme dans un fort, du moins pour la masse des consommateurs qui en supporte les charges, de savoir jusqu’où s’élève la rançon que nous payons aux producteurs du fer et dans quelle proportion elle pourrait être diminuée sans préjudice exorbitant. Les hommes du métier savent bien ce qui en est, ils n’ignorent pas ce que vaut le fer en France et ce qu’il vaut chez nos voisins ; mais c’était là un spectacle et une leçon qu’il fallait donner au pays tout entier, à cette affluence de curieux qui demandent à toucher les choses du doigt pour y croire. Avec quelques modèles choisis et la mention des prix à côté des modèles, les fabricans anglais auraient fait parmi nous une petite révolution.