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Omer-Pacha avec politesse et courtoisie, malgré des difficultés journalières et une absence trop sensible de toute espèce d’égards.

La défaite de l’insurrection de Bosnie n’avait pas seulement amené des rapports plus difficiles entre Omer-Pacha et les agens autrichiens. Les musulmans aussi avaient à souffrir des violences du vainqueur. Les insurgés captifs étaient dans une situation déplorable. Plusieurs pachas, entre autres Fazli, Mustahi, Mahmoud, étaient déposés dans les casernes, ceux d’un rang inférieur étaient dans les casemates du vieux sérail, continuellement remplies d’une eau boueuse. Des témoins oculaires disent qu’il est difficile de se faire une idée de l’état misérable dans lequel languissaient ces prisonniers, privés d’espace pour s’étendre, n’ayant pour toute nourriture qu’un pain dur ou des biscuits moisis, malgré les sommes suffisantes allouées par la Porte pour leur entretien. On appela l’attention d’Omer-Pacha sur ces malheureux, on l’engagea a les visiter, mais il s’y refusa constamment. Vers la fin de juin 1851, les deux tiers des prisonniers succombaient aux maladies les plus cruelles. À la souffrance on joignit l’humiliation. Omer-Pacha fit monter les principaux prisonniers, les pachas Fazli, Mahmoud, Mustahi et quelques autres, sur des ânes, et leur fit parcourir la ville, musique en tête, en présence d’une foule considérable accourue à ce spectacle. Ces insurgés, devenus des martyrs par leurs souffrances et des héros par la fermeté avec laquelle ils les supportaient, furent ensuite enchaînés et conduits à Constantinople avec leurs compagnons d’infortune. Trente-cinq d’entr’eux, environ un tiers, moururent en chemin ; les autres furent exilés en Asie.

Après les fêtes du baïram, Omer-Pacha résolut de transférer de nouveau le siège du gouvernement à Serajevo, et fit connaître sa résolution à Constantinople. En même temps il reçut l’ordre du divan de répartir une somme de 150,000 piastres parmi les chrétiens qui avaient le plus souffert pendant la guerre. Comme ils étaient presque tous catholiques, Omer-Pacha chargea un jeune prêtre, nommé Joukitz, de répartir cette somme. Ce Joukitz, connu par plusieurs écrits historiques et patriotiques, était peut-être le membre le plus remuant du clergé catholique. Il s’était fait remarquer par Omer-Pacha pendant l’insurrection en lui faisant connaître les mésintelligences qui existaient entre les Turcs et les chrétiens, et en lui offrant de contribuer de tout son pouvoir à la nouvelle organisation du pays. Il fit une liste de répartition des 150,000 piastres, et demanda à Omer-Pacha l’autorisation de destiner 20,000 piastres à la construction d’une église catholique à Jaïtza. Omer-Pacha y consentit verbalement et lui remit un ordre pour le commissaire de guerre Hayreddin-Effendi, l’autorisant à toucher les 150,000 piastres. Trois mois plus tard, une plainte formelle fut portée contre Joukitz. On l’accusait