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le plus actif dans le soulèvement, se réfugia aussitôt en Autriche. La défaite des insurgés bosniaques avait intimidé la population musulmane, tandis que le triomphe d’Omer-Pacha, jadis chrétien lui-même et leur compatriote, avait rempli de joie les chrétiens de Bosnie et de l’Herzégovine. Ils se berçaient de l’espérance de voir leur position bientôt améliorée. Cet espoir paraissait d’autant plus fondé, qu’Omer-Pacha ne leur avait pas ménagé les promesses pendant toute la durée des opérations militaires. À son retour à Travnik, le 24 août 1851, Omer-Pacha fit entrevoir au clergé chrétien et aux députations des villes, qui étaient venues lui offrir leur soumission, que le temps n’était pas éloigné où les chrétiens de Bosnie seraient traités sur le même pied que leurs compatriotes musulmans. Le vainqueur de Bihatch avait terminé sa tâche comme général d’armée. Il avait recruté cinq mille Bosniaques musulmans, et s’était attiré par là une haine implacable de la part des Turcs. Ali-Pacha Stolatchovitz, qu’Omer-Pacha traînait après lui comme prisonnier de guerre, lui fit publiquement des reproches, et alla jusqu’à dire que lui et les Bosniaques le regardaient comme le plus misérable de tous les musulmans. La nuit suivante, Ali-Pacha mourut frappé au front d’une balle partie par maladresse du fusil d’un factionnaire qui nettoyait son arme devant sa tente. Ce soldat reçut en secret 2,000 piastres (400 francs), fut conduit enchaîné à Constantinople, mais il parvint en peu de temps au grade d’officier dans l’armée d’Arabie.

Le siège du gouvernement de la Bosnie fut transporté à Travnik, à la demande d’Omer-Pacha. Tous les tribunaux y furent également installés, ce qui obligea le consul-général d’Autriche à se rendre de Serajevo à Travnik. Mostar, Serajevo et les nombreux districts de la Bosnie furent administrés militairement. Le pays était pour ainsi dire en état de siège, et le gouverneur civil Haïreddin-Pacha n’avait presque aucune influence sur les affaires. Omer-Pacha ordonnait seul et faisait exécuter sa volonté par ses officiers. Il faut croire que la Porte lui avait donné des pouvoirs illimités. Ainsi, sans en informer préalablement le gouverneur civil, il défendit toute exportation de la Bosnie et de l’Herzégovine dans les provinces limitrophes de l’Autriche, fit détruire toutes les barques des particuliers sur la Save, mit sous séquestre tous les magasins de blé et de noix de galle, saisit tous les troupeaux. Il se déclara ouvertement, et de la manière la plus hostile, contre la politique autrichienne. Le consul-général de cette puissance protesta, mais il n’avait pas d’instructions pour se prononcer d’une manière ferme, et les vexations apportées au commerce autrichien à la frontière restèrent impunies. Il n’était pas non plus autorisé à traiter avec Omer-Pacha, gouverneur militaire, mais bien avec Haïreddin-Pacha, gouverneur civil, et se trouvait