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fut obligé de s’expatrier. Il visita l’Europe, séjourna en France, passa en Algérie, dans la légion étrangère, et étudia l’arabe. Il se rendit ensuite en Espagne, où il prit du service, puis en Amérique. Enfin son humeur remuante le conduisit en Turquie, où il embrassa l’islamisme bien avant les événemens de 1848. Après avoir habité quelque temps Constantinople, Hinski se rendit au milieu des Cosaques établis aux environs de Varna, et parvint à se créer une telle influence parmi ces populations, à les animer d’un tel esprit d’inimitié contre la Russie, que des mesures sévères furent prises contre lui. Il fut arrêté, conduit à Constantinople, et jeté dans les prisons de l’arsenal avec les malfaiteurs, sans être interrogé et sans avoir le temps de faire prévenir ses amis. Il passa huit mois dans cette horrible captivité, où la fermeté et l’élasticité de son esprit et de son caractère lui conquirent sur les brigands retenus dans la même prison l’ascendant qu’il avait le secret d’exercer sur tous ceux qui l’approchaient. Le comte Hinski s’en servit pour faire enfin parvenir à un Polonais de ses amis, qui jouissait auprès du divan d’une considération méritée, une lettre où il racontait son arrestation et son affreuse captivité ; dès le surlendemain il était libre, et on lui exprimait à la fois la surprise la plus profonde et les regrets les plus sincères. Aucun ministre n’avait donné ordre de l’arrêter, tous les membres du divan ignoraient ce qu’il était devenu, et sa disparition avait même causé une inquiétude sérieuse. Le comte intenta tout de suite une action au capitan-pacha, demanda satisfaction et des dommages-intérêts. Ces réclamations étaient pendantes lorsqu’éclata la révolution hongroise. Iskender-bey ne manqua pas de s’y mêler et d’en suivre toutes les vicissitudes. Après la soumission de la Hongrie, il se retrouva en Turquie et s’attacha à la personne d’Omer-Pacha, à qui le séraskier l’avait recommandé. Il y a tout lieu de croire que c’était sur un ordre du patriarche grec, sollicité par une légation étrangère, qu’il avait été arrêté. On va maintenant le voir agir.

Au moment où Iskender-bey recevait les ordres d’Omer-Pacha, il apprit que les Herzégoviens fortifiaient leur frontière, et que des renforts leur arrivaient de la Caïne. Il demanda donc au général en chef l’autorisation d’attaquer immédiatement les rebelles pour ne pas leur laisser le temps de se réunir. En effet les insurgés commençaient à se concentrer à Bania-Luca et à Priédor, et Omer-Pacha dut songer sérieusement à prendre des mesures efficaces pour les repousser. Son principal but devait être de se rendre maître de la frontière de l’Herzégovine, attendu que les insurgés s’étaient emparés des défilés depuis Coénitza jusqu’à Mostar. Il n’avait que peu d’officiers supérieurs sur lesquels il pût compter, et ses plans rencontraient de l’opposition dans le conseil de guerre. Ce ne fut pas