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Le crédit était affaibli ; les banquiers arméniens ne voulaient plus rien prêter. Les difficultés de la situation se présentèrent alors au divan dans toute leur force. Il supposa, non sans raison, que l’Autriche, qu’il avait heurtée de front en accordant l’hospitalité aux réfugiés hongrois, et que la Russie, avec laquelle la Turquie était en collision en Valachie, verraient avec plaisir le soulèvement de la population musulmane en Bosnie, que ces deux puissances le favoriseraient même au besoin, pour occuper et affaiblir la Porte par des troubles continuels. Si les motifs d’inquiétude et de crainte ne manquaient pas au gouvernement ottoman, on était loin d’apercevoir encore les moyens de faire face à cette crise, lorsque la Porte reçut de l’Angleterre le conseil de prendre énergiquement l’offensive. Décidé par cette démarche du cabinet britannique, le divan désigna les réserves de la Roumélie pour entrer en Bosnie, soumettre cette province et y introduire le tanzhnat. Omer-Pacha fut nommé commandant en chef de l’expédition.


III

Dans les premiers jours d’avril 1850, le nouveau commandant en chef reçut l’ordre de se rendre à Constantinople pour être investi de ses pouvoirs et en même temps donner son opinion sur la manière d’opérer en Bosnie. Omer-Pacha, comme nous l’avons dit, quitta son poste de Bucharest vers la fin du même mois, fut reçu le 3 mai par le sultan de la façon la plus bienveillante, et obtint pour ses services rendus en Valachie une gratification de 1,000 bourses (125,000 fr.). On lui enjoignit de s’entendre avec le ministère de la guerre pour prendre connaissance de l’état de la Bosnie et se concerter sur les détails de l’expédition ; mais, ainsi qu’il arrive ordinairement en Turquie, Omer-Pacha rencontra dans le ministère de nombreux ennemis, malgré la haute protection dont l’honoraient le sultan lui-même et son premier ministre Rechid-Pacha. On ne pouvait pardonner au renégat son mérite personnel et surtout la confiance qu’il avait inspirée à son souverain comme homme de guerre. On chercha à le contrarier de toutes les manières, on rejeta ses plans comme ne répondant pas au but de l’expédition, et on voulut l’amener à en suivre d’autres. Toutes ces contrariétés décidèrent Omer-Pacha à demander au sultan une audience particulière, dans laquelle il lui déclara que les conjonctures au milieu desquelles il se trouvait l’obligeaient à se démettre du commandement. Le sultan, qui avait à cœur le rétablissement de son autorité en Bosnie, calma le général, lui conseilla d’adopter les plans du ministère, et de choisir quelques bons officiers hongrois et polonais pour former son état-major.