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veuille y maintenir sa prépondérance. Pour atteindre ce but, elle fit à plusieurs reprises des expéditions dans cette province, qui n’a jamais été complètement assimilée au reste de la Turquie, et où le pouvoir des sultans est loin d’avoir été toujours paisiblement reconnu. Là comme en Égypte, le conquérant avait été obligé de respecter des intérêts, des institutions, des privilèges, et la conquête avait pris le caractère d’une transaction. Cet état de choses ne pouvait convenir au sultan Mahmoud, qui avait décidé l’abolition du système féodal dans l’empire, et qui réussit à peu près à accomplir cette grande tâche. En Bosnie comme en Albanie, il voulut faire sentir sa force et briser toutes les résistances locales en faisant exécuter la loi du recrutement, dont les nouvelles institutions rendaient l’application indispensable pour tout l’empire, afin d’avoir une armée permanente respectable. Le sultan chargea Rechid-Méhémet-Pacha d’exécuter ses ordres en Bosnie. Cet homme, que l’on peut appeler le dernier des Osmanlis, qui, sous le nom de Kutaya-Pacha, avait fait avec succès la guerre en Grèce, qui fut depuis rouméli-valessi, seraskier, grand-vizir avec un pouvoir immense, est le même qui fut battu par Ibrahim-Pacha à Koniah, et dont la cruelle fermeté soumit les Albanais et les Kurdes.

En 1831, Mébémet était grand-vizir et rouméli-valessi, ou gouverneur de toute la Turquie d’Europe, charge qui n’existe plus aujourd’hui ; il faisait gouverner par ses lieutenans toute cette partie de l’empire. Il chargea l’un d’eux, Daoud-Pacha, d’exécuter en Bosnie le firman qui y décrétait le recrutement. Un soulèvement général éclata ; Daoud-Pacha fut chassé de Vechetrin, où il s’était laissé surprendre, et obligé par les insurgés de se réfugier à Betolia. Rechid-Méhémet-Pacha détacha alors de son armée six mille hommes, dont il donna le commandement à Mahmoud-Pacha, qui avait commencé par être son schamdangi-bachi, c’est-à-dire son chef du luminaire, et il l’envoya châtier les rebelles, qui avaient à leur tête un bey bosniaque du nom de Hussein, auquel est resté dans le pays le nom de capitaine Hussein. C’était un homme de trente-un ans, d’une grande bravoure, d’une grande audace, d’un esprit très ouvert et fertile en expédiens. Mahmoud-Pacha était soutenu par le grand-vizir, qui s’était avancé avec son corps d’armée jusqu’à Vechetrin, sur les frontières de Bosnie, et qui était prêt à y entrer, si son lieutenant n’avait pas pu venir à bout des insurgés. Mahmoud les battit dans trois rencontres successives, et obligea Hussein-Bey à chercher un refuge en Autriche. Resté maître de toute la Bosnie, il la parcourut en faisant exécuter partout le firman et opérer le recrutement. Il fit rentrer tout l’arriéré des impôts que la Porte n’avait pu se faire payer depuis plusieurs années, et gouverna tranquillement la Bosnie