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aux exigences de la situation. Tout indiquerait donc pour un avenir prochain le général Oribe, qui a des talens, du patriotisme, de la probité et beaucoup de vigueur, si en lui l’allié ou le lieutenant de Rosas, qui a tenu Montevideo assiégé pendant dix ans, ne faisait pas un grand tort au président de 1837, dont l’administration s’annonçait alors sous les plus heureux auspices.

Que va faire le Brésil dans cette crise que sa diplomatie a provoquée ? C’est ce que rien ne laisse encore pressentir. Avant qu’on put connaître à Rio-Janeiro le dénouement pacifique de la révolution opérée contre le général Florès, le gouvernement brésilien avait envoyé très précipitamment à Montevideo un de ses hommes d’état les plus considérables, M. le vicomte d’Abaete, plus connu sous le nom de Limpo de Abreu, qui a plusieurs fois occupé le ministère des affaires étrangères. On suppose, d’après son importance, qu’un pareil personnage a carte blanche, et par exemple qu’il est investi de pouvoirs suffisans pour trancher, sans en référer à sa cour, la question capitale du rappel ou du maintien des troupes brésiliennes dans la Bande-Orientale ; mais il arrivait à peine, à la date des dernières nouvelles, et quoique l’opinion du gouvernement provisoire fut arrêtée sur ce point, opinion à laquelle tous les partis et tous les états riverains de la Plata sont évidemment ralliés par conviction ou par irrésistible entraînement, M. d’Abaete n’avait pas encore été mis en demeure de se prononcer. Cependant on peut regarder comme moralement impossible la continuation de l’occupation brésilienne, quelles que doivent ou puissent être les conséquences d’une mesure qui laissera le pays livré à lui-même. Ce sera pour la Bande-Orientale une épreuve sérieuse dans l’état de division et de démoralisation où se trouvent les élémens de cette nationalité si turbulente. Espérons que les grandes puissances européennes, qui ont des droits à y exercer et des intérêts à y protéger, l’aideront à se réorganiser par un appui moral dont elles jugeront sans doute à propos de fortifier l’action.

Nous regrettons d’avoir à juger aussi sévèrement la diplomatie du Brésil dans la Plata ; mais elle ressemble trop à celle des États-Unis dans le golfe du Mexique jusqu’à l’isthme de Panama pour que nous ne la réprouvions pas avec la même énergie. Ce ne sont pas là des exemples que doive suivre le cabinet de Rio-Janeiro. Une politique envahissante au midi, et à l’ouest du côté du Paraguay, lui aliénera l’opinion publique en Europe, qui est cependant disposée à lui tenir compte de ses progrès en tout genre et de la stabilité de ses institutions. Il n’y trouvera d’ailleurs aucune force de plus pour résister aux exigences des Américains du Nord sur le fleuve des Amazones. Tout conseille donc au Brésil de rassurer ses voisins par une attitude moins menaçante, et de s’entendre au contraire loyalement avec eux pour appeler à la vie les solitudes de cette partie du Nouveau-Monde, qui, depuis l’ouverture de la navigation du Parana et de ses affluens aux pavillons étrangers, attirent et doivent attirer de plus en plus le commerce et l’émigration.

Il se fait en ce moment des efforts extraordinaires, quelques-uns du caractère le plus singulier et le plus hardi, pour reconnaître quel parti on peut tirer des cours d’eau qui sillonnent les provinces du nord de la confédération, et qui de la rive droite du Parana donneraient accès à Salta, à Juguy, aux profondeurs du désert appelé le Grand-Chaco. Les États-Unis,