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aplanir les difficultés politiques et financières qui sont devenues un des élémens de la situation intérieure du royaume piémontais.

La Suisse, ou du moins Genève, vient d’avoir aussi sa petite agitation politique. M. James Fazy a été de nouveau porté au pouvoir par une coalition du parti radical et des catholiques. Cette alliance était déjà passablement étrange ; mais cela n’a point suffi, et en réalité l’élection de M. Fazy a été emportée par des bandes enrégimentées d’avance. Ces bandes, qui avaient eu la fantaisie singulière de prendre le nom de zouaves, ne se faisaient faute de violences à l’égard des électeurs connus pour leur opposition à M. Fazy. Beaucoup de ceux-ci étaient maltraités et enfermés dans une caserne voisine sous bonne garde. Grâce à ces procédés, on conçoit que les radicaux n’ont point eu de peine à rester maîtres du scrutin, dont le résultat a été proclamé au milieu de toute sorte de clameurs. Les vainqueurs ont bruyamment célébré leur triomphe. On a dit que le parti modéré avait triomphé en M. Fazy. C’est un peu par décision probablement qu’on a fait de l’ancien révolutionnaire le chef du parti de la modération. Par malheur, à Genève il y a de plus d’un côté dans les partis de ces alliances comme celle qui a mis les catholiques en contact avec le nouveau chef du pouvoir.

De tous les états constitutionnels de l’Europe et du monde, certes le plus malheureux aujourd’hui et le plus tristement inspiré, c’est la Grèce. La vie constitutionnelle elle-même, il faut le dire, n’a rien de bien sérieux à Athènes. Le roi Othon ouvre ou ferme son parlement, cela n’est pas d’une grande conséquence et ne touche point au fond des choses. Le roi a donc rouvert récemment les chambres, et son discours d’inauguration est un exposé de la situation du royaume hellénique. On peut en conclure que le roi Othon a remporté une grande victoire : il a renversé son ministère, le ministère où siégeaient, on s’en souvient, M. Mavrocordato et le général Kalergi. Il est vrai que le cabinet nouveau est loin d’être assuré de vivre et qu’il en est encore à se compléter. Le roi Othon multiplie du reste les protestations de neutralité : sage politique à laquelle son gouvernement aurait dû plutôt se rattacher, qui servait tous ses intérêts, et que l’Angleterre et la France ont été obligées d’imposer à de puérils, à d’aveugles entraînemens. Quelle que soit sa résignation actuelle, la Grèce souffre visiblement de la situation qu’elle s’est créée ; elle souffre de tant de vœux trompés, de tant d’espoirs déçus, ou, pour dire plus vrai, de tant de chimères dissipées. Le croirait-on ? après les révélations significatives des desseins de l’empereur Nicolas, de son opposition nette et tranchée à tout agrandissement du royaume hellénique, il y a encore des journaux grecs qui ont foi au cordial et sympathique appui des tsars ; ils font leurs efforts pour ne pas laisser paraître leurs vœux en faveur de la Russie, ils n’y réussissent pas ; ils publient ses défaites, mais ils les pallient. Ils sont bien forcés de respecter l’Angleterre et la France, qu’ils appellent leurs protectrices ; ils sont bien loin d’adhérer à leur cause, et ils se rejettent sur leur alliée, la Turquie. Que les Anglais et les Français battent les Russes, soit ; mais on peut pronostiquer sans crainte que les Turcs, laissés à eux-mêmes, seront complètement détruits. Ainsi parlait récemment un des journaux les plus sérieux, les plus modérés d’Athènes, le Spectateur de l’Orient, et il choisissait tout juste le moment où les Turcs étaient victorieux à Kars, où Omer-Pacha battait les Russes au passage de l’Ingour. Que les sujets