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d’exécuteurs testamentaires du fondateur Radcliffe. À ce comité ou bureau (board), quatre savans illustres, MM. Bache, Peirce, Henry et Gould, ont été adjoints. C’est M. Gould qui a été chargé de venir en Europe pour se procurer au plus vite les instrumens nécessaires. Il est à regretter que le manque de temps ne lui ait pas permis d’attendre quelque chef-d’œuvre de notre admirable artiste, M. Brunner ; mais en France nos constructeurs semblent ignorer le prix du temps, et il est impossible de les astreindre à quelque exactitude dans la livraison des commandes qu’ils ont acceptées. Ils semblent vouloir profiter du bénéfice de l’adage latin : sal citò, si sat bené ; c’est assez tôt, si c’est assez bien. Malheureusement ce n’est point avec ces principes que l’on fonde ou que l’on soutient de grands établissemens tels que ceux d’Allemagne, qui, par leur ponctualité, vont au-devant des travaux que les nôtres refusent ainsi tacitement. Quels délais Gambey n’a-t-il pas apportés dans la remise de son grand cercle ! Par ses travaux antérieurs et prolongés dans les observatoires de Paris, de Greenwich, de Berlin, de Goettingue, d’Altona, de Gotha et de Pulkova, M. Gould est l’astronome le plus instruit « le tout ce qu’il y a à faire et à éviter dans la science difficile à laquelle il est initié comme mathématicien et comme observateur.

L’horloge avec toutes ses dépendances est donnée par M. Erastus Corning, président de la direction du chemin de fer central de l’état de New-York. D’autres contributions particulières ont fourni le terrain, les matériaux pour l’édifice et jusqu’au gazomètre, qui doit servir à l’éclairage de l’observatoire. Je n’ai point sous ma plume le nom du citoyen généreux qui a donné le terrain convenable sur une hauteur qui domine de quelques cents mètres les eaux de l’Hudson, la grande artère du New-York. L’étendue de ce terrain est telle que quand Albany, qui a aujourd’hui, je pense, environ cinquante mille âmes, viendra, par son infaillible développement, à entourer le site de l’observatoire, celui-ci ne sera nullement incommodé de ce voisinage. Voilà pour l’avenir comme pour le présent.

Mais de toutes les contributions à l’honneur scientifique de la capitale du New -York, il n’en est point de plus libérale et de plus patriotique que celle d’une honorable citoyenne d’Albany, Mme veuve Dudley, qui a concouru pour une part considérable aux frais d’érection de l’édifice comme à l’achat des instrumens, et notamment de l’héliomètre. Aussi la reconnaissance des fondateurs de l’observatoire s’est-elle manifestée par le choix du nom qu’on a donné à ce bel établissement. On l’a nommé Observatoire Dudley. L’antiquité a beaucoup célébré la piété conjugale de la reine Artémise, qui bâtit à son époux Mausole un tombeau compté parmi les merveilles du monde, et qui donna son nom à tous les monumens grandioses ayant la même destination. Au lieu de consacrer à la mémoire de son mari un édifice improductif et lugubre, Mme Dudley a beaucoup plus sagement attaché son nom à une fondation noble qui unira à jamais ce nom à un édifice élevé pour l’honneur de sa patrie et l’utilité de ses concitoyens. Grand exemple pour notre France !


BABINET, de l’Institut.